Cet épineux problème reste un des éléments de base pour aller à la prochaine étape : l'amnistie générale. «Le dossier des disparus a été finalisé par l'équipe de travail de Ksentini et sera remis au président de la République avant la fin du mois», a-t-on appris de source proche du président de la Commission nationale pour la promotion et la défense des droits de l'homme. La même source ajoute que le rapport, en phase finale de rédaction, sera remis «au plus tard» avant dix jours et ainsi, «le président de la République pourra y apporter les observations, amendements ou réserves qu'il jugera nécessaires». Le dossier des disparus a été le problème le plus épineux que la commission a eu à instruire avec des milliers de cas traités, de personnes interrogées, de familles convoquées, de fiches et rapports lus. La complexité a été telle que Farouk Ksentini a dû souvent reprendre son travail à zéro, revoir ses copies et réinterroger des responsables dont il avait jugé le témoignage nécessaire. Le «mécanisme ad hoc» mis sur pied par le président de la Cnpddh, Farouk Ksentini, est un groupe de travail qui a été investi de la mission de «faire la lumière» sur un dossier entouré de zones d'ombre. Pour ce faire, de larges prérogatives lui avaient été octroyées, notamment le contact direct avec n'importe quelle source ou institution. Cependant, les résultats de ses investigations sont d'ordre consultatif et non pas «obligatoire». En fait, seule une «couverture politique» lui donnera un caractère d'obligation et d'application, et cette légitimité, le président, seul, peut la lui accorder, après approbation. Ksentini lui-même avait déclaré récemment qu'il avait buté sur des réticences de la part de certaines associations des familles des disparus, et que son rapport final avait besoin d'un soutien politique et d'une forte adhésion pour aboutir. Avec la tendance politique actuelle et le soutien apporté par les trois poids lourds de l'échiquier national, le FLN, le RND et le MSP, à la démarche présidentielle, on peut spéculer sur les fortes chances que le rapport Ksentini possède pour être adopté. Mais «paradoxalement», estiment certains, l'amnistie générale ne risque-t-elle pas de réduire à rien le travail de la commission, d'autant plus que si on va vers une amnistie, on fera table rase de tout ce qui a été fait? «Non», estime Farouk Ksentini. «Il s'agit d'un drame national, et il ne faut pas s'attendre à des solutions miracles. Nous avons tenté une approche réaliste, et surtout réalisable, et cela induit une large adhésion politique, et c'est ce que nous attendons. Il ne faut plus s'appesantir sur des choses qui se sont passées et ne peuvent plus être rattrapées, au contraire, il y a à agir sur ce qui peut être objectivement, politiquement et humainement fait.» Le dossier des disparus reste un des problèmes les plus épineux induits par la décennie sanglante des années 90. Pour Ksentini, il s'agit de solutionner «quelque 7500 cas concrets et dont la Gendarmerie nationale possède des fiches et des rapports vérifiables». Pour une partie de l'opposition, il s'agit de «près de 13.000 cas, sinon plus». Le président de la République avait, dès son investiture en avril 1999, soulevé le problème et appelé à le résoudre. Elément clé d'une solution finale «à l'arraché», le dossier des disparus pourra faire aboutir la réconciliation nationale «pour peu que les intentions politiques soient bonnes», affirme Ksentini. Les résultats et les propositions consignés par le groupe de travail de Farouk Ksentini restent, pour le moment, inconnus du grand public, mais l'on peut d'ores et déjà en deviner les grandes lignes, qui sont celles-là mêmes dont Ksentini n'a cessé de parler depuis une année, date de la mise sur pied de la commission ad hoc.