La gestion des œuvres sociales universitaires et tout particulièrement celle inhérente à la restauration des étudiants pose un sérieux problème d'efficacité. Faute de contrôle des intervenants au niveau des divers circuits d'approvisionnent et de confection des repas, l'étudiant ne peut que se rendre à l'évidence qu'une partie non négligeable des denrées achetées par la direction des œuvres sociales finit ailleurs que dans leurs assiettes. C'est ce qui, en grande partie, explique la baisse constante de leur ration alimentaire, aujourd'hui réduite à la portion congrue. L'effort financier de l'Etat est pourtant gigantesque, mais parce que ses services de contrôle ne sont pas en mesure de vérifier efficacement le bien-fondé et la destination des dépenses effectuées, les étudiants ne constatent évidemment aucune retombée positive sur leur quotidien. Dans les restaurants universitaires, les résultats sont plutôt décevants, la pléthore d'étudiants qui s'y agglutinent aux heures de repas se plaignent souvent d'être mal nourris et, de surcroît, servis dans des conditions d'hygiène déplorables. Le désagrément est d'autant plus mal vécu, que les étudiants sont nombreux à constater que la modicité de leurs rations alimentaires est en grande partie due à l'accaparement par certains employés des œuvres sociales d'importantes quantités de produits alimentaires devant entrer dans la composition de leurs repas. Ce sont, pensent-ils, ces vols quotidiens de denrées alimentaires, dont une bonne partie finira sur les étals des marchés informels, qui hypothèquent les chances d'améliorer leur ordinaire. Les « restos U » sont par ailleurs non seulement insuffisants au regard des masses d'étudiants qui les sollicitent, mais aussi et surtout insuffisamment approvisionnés du fait de l'inefficience des achats effectués, de la récurrence des vols et autres gaspillages de denrées alimentaires. Il est ainsi devenu naturel que les étudiants retenus par des cours au-delà de l'heure d'ouverture ne trouvent pas de repas au restaurant. Ceux qui s'y pressent avant l'heure savent pertinemment que c'est en opérant ainsi qu'ils auront la chance d'être servis, d'où ces longues queues anarchiques entamées avant l'heure des repas aux portes des réfectoires, avec leurs lots quotidiens de bagarres et autres violences qui requièrent parfois l'intervention des agents de sécurité. Aux inconvénients de la pénurie, de la modicité des rations alimentaires et de l'attente pour être servis, s'ajoute l'hygiène déplorable des cuisines et réfectoires qui exposent les étudiants aux intoxications alimentaires et autres maladies gastroentérites. Ajoutez à ce décor insalubre le manque de chaises et de plateaux, et quelquefois même, l'absence totale de couverts, et vous comprendrez dans quelle situation d'inconfort se trouvent nos étudiants en quête de repas dans les restos U. Peu ou pas du tout formé aux métiers de la restauration, le personnel des restos U (cuisiniers, acheteurs, gestionnaires de stocks, comptables etc.) ne brillent évidemment pas par leurs compétences. Arrivés à des postes de responsabilité au hasard du clientélisme ou au gré de l'ancienneté, des cadres, sans étoffe managériale, manipulent à leur guise des budgets considérables avec, au bout du compte, des résultats peu reluisants que traduit parfaitement l'état déplorable dans lequel se trouvent les restaurants universitaires. Un mode de gestion aussi archaïque ne peut être que permissible à la corruption, au gaspillage et autres prédations qu'il est malheureusement loisible de constater pour peu qu'on s'y intéresse. Suite à une enquête effectuée au niveau d'un des restaurants universitaires de Tizi Ouzou j'ai, à titre d'exemple, relevé que les quantités de thon et de jus de fruits réceptionnées pour un seul déjeuner sont respectivement 50 cartons de 6000 boîtes et 68 cartons de 1836 bouteilles, alors que les quantités effectivement consommées ne dépassent guère 11 cartons pour le thon et 40 cartons pour les jus de fruits. Le même constat pour la viande : sur 225 kg réceptionnés, les étudiant n'en ont consommés qu'environ 40 kg ! En raison de ce dysfonctionnement, les restos U de Tizi Ouzou n'assurent en définitive que 682 repas, répartis sur deux restos devant servir au minimum 2000 étudiants, nonobstant les fonctionnaires et les extras servis en priorité. On peut alors se poser légitimement la question de savoir où est passé le différentiel de marchandises, d'autant plus qu'on ne constate aucune réintégration de ces produits en stocks ? L'état des poubelles aux environs des cités de Hasnaoua, Bastos, Oued Aïssi, Boukhalfa et M'douha renseigne parfaitement sur l'outrageux gaspillage qui affecte une quantité non négligeable des denrées alimentaires acquises à grands frais, auquel il faudrait probablement ajouter les vols et autres détournements commis par la pléthore de personnels des restos U. Des dépenses budgétaires énormes, des prédateurs qui tirent profit de la manne financière et des étudiants qui se plaignent de la modicité de leur ordinaire, tel est le bien triste décor qu'offre le mode de gestion actuel de la restauration universitaire. Un décor qui ne pourrait, à l'évidence, évoluer positivement que dans la mesure où les offices des œuvres sociales universitaires transfèrent la gestion de leurs restaurants à des opérateurs externes choisis pour leur qualification dans le domaine. Cette opération qualifiée d'externalisation serait alors la solution idoine pour, non seulement optimiser les budgets alloués par l'Etat à la nourriture des étudiants, mais également pour améliorer les conditions générales de restauration (hygiène, discipline, respect des normes nutritionnelles etc.). Les contrats d'externalisation confiés à des opérateurs privés ayant les qualifications requises, les cahiers des charges y afférents et les contrôles réguliers effectués par les directions des œuvres sociales, seront, est-il bon d'espérer, les meilleurs garants de bonne exécution de ce nouveau mode de gestion avec en perspective une amélioration substantielle de l'ordinaire des étudiants et la fin des vols et du gaspillage des denrées alimentaires comme signalé plus haut. La problématique du changement du mode de gestion des œuvres sociales universitaires en général et des restaurants universitaires en particulier se pose avec beaucoup d'acuité, tant les restos U cristallisent la détresse de nombreux étudiants. Leur état de déliquescence est tel qu'ils constituent aujourd'hui un des principaux motifs de grèves et autres manifestations estudiantines. L'externalisation repose en termes juridiques sur un contrat à durée fixe ou déterminée, portant sur le transfert par l'organisme des œuvres sociales universitaires de tout ou en partie du service des restos U qu'il a en charge, à des opérateurs privés qui disposent des qualités et des moyens financiers requis pour gérer au mieux ce type de restaurants. Les clauses de retour ou de réversibilité sont la clef d'une externalisation réussie. Pour éviter les licenciements, les contrats d'externalité peuvent évidemment inclure des transferts d'actifs et/ou de personnels. La direction des œuvres sociales universitaires gagnerait à se concentrer sur la définition des résultats à atteindre en laissant au prestataire externe la responsabilité de les livrer tels que précisément définis par le cahier des charges. Mais au-delà de l'efficacité dont elle a souvent fait preuve, l'intérêt de l'externalisation réside surtout dans sa capacité à diffuser l'esprit d'entreprise à l'ensemble des opérateurs qui en sont parties prenantes, à commencer par les directions des œuvres sociales universitaires qui devront s'organiser en conséquence pour mieux superviser les services externalisés et la bonne exécution des cahiers des charges. D. F. : Post-graduante en management - Université de Tizi Ouzou