«Il faut blacklister un producteur qui ramène un film mal fait. Il ne doit plus reçevoir de l'argent du fonds d'aide de l'Etat. Il faut également créer une commission de visionnage des films qui ont reçu une subvention avant de les proposer au public. Les exigences de qualité doivent être respectées», a-t-il soutenu. Il a dénoncé «la pollution» qui caractérise les secteurs du cinéma et de l'audiovisuel actuellement et a parlé de «gens qui arrivent par accident» dans le domaine, «attirés par l'argent». «Ils n'ont rien à y faire. Le plus grave est que ces gens sont devenus dominants dans le secteur, au point que les vrais professionnels rasent les murs. Il n'y a pas de rigueur», a-t-il relevé, souhaitant l'instauration de mécanismes professionnels pour «éloigner les intrus». Il a proposé de créer un pool de scénaristes aux côtés de la commission de lecture du Fonds d'aide au développement de l'art, de la technique et de l'industrie cinématographique (Fdatic) du ministère de la Culture. Le pool se chargera, selon lui, de réecrire les scénarios retenus par la commission que préside actuellement l'universitaire et critique Ahmed Bedjaoui. «Il faut donner une aide à la réécriture aux réalisateurs et aux producteurs afin de payer les scénaristes. N'oublions pas qu'écrire un scénario est un métier», a-t-il noté, plaidant pour une réelle prise en charge professionnelle des projets soumis à la commission du Fdatic. Il a estimé que les professionnels doivent «sortir de leur démobilisation», se rassembler et faire pression pour que la participation à la production de films soit inscrite dans les cahiers des charges des chaînes de télévision. «Les opérateurs économiques publics et privés peuvent également contribuer au financement du cinéma en Algérie. Comme cela existe ailleurs, on peut trouver une formule pour créer des fonds. On peut proposer à ces opérateurs une présence visuelle importante lors d'événements organisés autour des films. On sait que la visibilité les intéresse», a estimé Belkacem Hadjadj. Les wilayas peuvent, selon lui, se rassembler en quatre régions (Est, Ouest, Sud et Centre) pour créer des fonds régionaux d'aide au cinéma. «Lorsqu'un réalisateur filme dans une région, il contribue à sa mise en valeur et à sa connaissance. De plus, il dépense une partie de l'argent dans la même région», a-t-il expliqué. Il a plaidé pour une exonération de taxes pour les producteurs privés de cinéma, mais pendant une période limitée. «Cela est déjà retenu pour certains secteurs dans le but de les relancer», a-t-il noté. L'établissement de cartes professionnelles est, à ses yeux, inévitable pour réorganiser et assainir le secteur. «Au début, il sera difficile de mettre en place ces cartes. Mais, il faut commencer. Les professionnels doivent s'organiser aussi dans des syndicats ou des associations pour défendre leurs droits. Ces derniers temps, les gens commencent à en ressentir le besoin», a-t-il souligné.
«Le trou noir des années 1990» «Cela fait des décennies qu'on n'a pas formé les gens dans les grandes écoles, pratiquement depuis la dissolution des entreprises publiques. Entre l'ancienne génération et la nouvelle, il y a eu le trou noir des années 1990. Durant cette période, on est passé de l'image chimique au numérique. Brutalement, au début des années 2000, lorsque le cinéma devait reprendre, les gens se sont formés dans le tas. Les anciens n'ont pas fait l'effort de se recycler dans les nouvelles technologies et les nouveaux n'ont pas de formation solide et basique. Le numérique, c'est bien, mais il y a un minimum technique qu'il faut avoir. L'étalonnage, le montage et le mixage son ne peuvent pas se faire avec quelqu'un qui a appris sur le tas», a-t-il averti. «La perversité de ces nouveaux moyens techniques est de donner l'illusion de la facilité. Dès qu'on veut aller dans le domaine professionnel, il faut de la maîtrise», a-t-il ajouté. Il a proposé un programme annuel de «remise à niveau» des techniciens par des cycles de formation et par regroupement de spécialités (image, son, montage, etc.). Belkacem Hadjadj assure actuellement une formation pour les étalonneurs dans les studios de post-production qu'il a ouverts à Bab Ezzouar, à Alger, avec l'appui d'un enseignant de la Femis (Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son) de Paris. Il est, selon lui, difficile de mettre en place une école de cinéma. «Il faut un certain degré de maturité pour pouvoir entrer dans ce genre d'école, avoir une culture générale. Car, il n'y a pas que la dimension technique. Il y a aussi les aspects artistiques à prendre en compte. Aujourd'hui, il est difficile de former une équipe pour le tournage d'un long métrage. Nous sommes obligés de solliciter des techniciens étrangers, mais jusqu'à quand ?» s'est-il demandé. Il a proposé de créer un institut itinérant, en attendant d'installer une école nationale de cinéma. «Au bout de trois ans, on aura alimenté les équipes de production en techniciens et repéré les meilleurs d'entre eux pour assurer l'encadrement de la nouvelle école, qui doit avoir un statut particulier. Parallèlement, il faut penser à créer un institut supérieur des métiers du cinéma en jumelage avec les grandes écoles de cinéma dans le monde. Mais, avant cela, il faut faire un travail de préparation. Les étudiants doivent avoir tout le matériel performant, comme celui qu'ils trouveront dans le milieu professionnel», a-t-il proposé.
Enseigner le cinéma à l'école Il a appelé à revoir le système de formation à l'Ismas (Institut supérieur des métiers des arts de spectacle et de l'audiovisuel) de Bordj El Kiffan. Belkacem Hadjadj a également demandé à réintroduire le cinéma dans le système scolaire. «Le cinéma est un vecteur de modernité. Œuvrer à réintroduire le 7e art dans ce système contribue à avoir une école moderne, une école de savoir, d'ouverture d'esprit et de rationalité. C'est une manière de l'arracher aux pesanteurs archaïques dans lesquelles il se débat. L'actuelle ministre de l'Education est ouverte à cela. Lorsque le film Lalla Fatma N'Soumer est sorti, elle a donné instruction à tous les directeurs de l'éducation d'emmener les lycéens voir le long métrage dans les wilayas où il a été projeté», a-t-il relevé. Le cinéma à l'école contribue, selon lui, à développer l'esprit critique chez les élèves et les prépare à être les spectateurs ou les professionnels du futur. Belkacem Hadjadj vient de terminer la production du long métrage Saïda Baîda (Saïda est loin), de Karim Bahloul. La salle Dounyazad, ouverte depuis le mois d'avril après restauration, a abrité les projections des 3es Journées cinématographiques de Saïda, qui étaient organisées par l'association Ciné Culture, et qui ont été clôturées mercredi 17 mai au soir avec la projection de Celle qui vivra, le nouveau long métrage de Amor Hakkar, en présence du réalisateur. Plusieurs films algériens récents ont été également projetés, comme El Achik, de Amar Si Fodil, Mémoire de scène, de Rahim Laloui, Madame Courage, de Merzak Allouache, Les intrus, de Mohamed Hazourli, et Le puits, de Lotfi Bouchouchi.