Un nouvel écrivain et une manière d'écrire qui méritent l'intérêt et l'admiration. Aujourd'hui, à partir de 14h 30, l'espace Noûn accueillera Ryad Girod, écrivain dont on sait seulement qu'il est né en 1970 à Alger et enseigne les mathématiques dans un lycée. Il ne sera pas le premier ni le seul dompteur d'équations à s'aventurer dans les maquis littéraires. Tahar Djaout avait fait maths sup et la dramaturge Jalila Hadjar-Bali les enseigne à l'université. Au-delà donc de cette particularité et de ses date et lieu de naissance, nous ne disposons pas d'autres informations biographiques. Cela ne devrait pourtant pas peser devant la qualité d'un roman qui se distingue dans le champ littéraire algérien par son écriture racée et originale, moderne mais sachant emprunter à bon escient au classique. Publié initialement aux éditions José Corti (France) en 2008, ce récit, réédité récemment par Barzakh, raconte la terrible perte du langage par un jeune père de famille qui travaille dans une institution étrange chargée justement de linguistique. De manière prenante, l'auteur nous fait entrer dans son univers, au cœur de son mal ou maladie, et nous entraîne dans une réflexion inexorable mais vivifiante sur les mots, le langage, la communication. L'étrangeté de sa situation est parfaitement rendue, mais, et là réside tout le tour de force d'une écriture de qualité, elle soulève paradoxalement des questions liées à la « normalité ». Délesté de ses mots, le personnage nous amène à réfléchir sur ceux que nous utilisons, sur les situations dans lesquelles nous les utilisons, sur les rapports interpersonnels qu'ils induisent. Il nous rappelle aussi, sans jamais en parler directement, la situation des langues dans notre pays. Mais, pour autant, Ravissements est d'abord un texte qui se laisse lire, moderne mais d'une fluidité présente, même lorsque les phrases se font longues, avec une vraie histoire dont on ne doute à aucun instant de la véracité, tant elle est bien amenée et surtout formulée. On pourrait se croire dans un roman de Graham Green, limite Georges Orwell, réécrit par Mohammed Dib de la trilogie. Mais on est chez Ryad Girod, et il faudra retenir ce nom. « Ravissements ». Récit de Ryad Girod. Ed. Barzakh, Alger 2010. 136 pages. Prix : 400 DA