Plusieurs taxes et redevances instituées    Réunion au Conseil de sécurité, jeudi sur les enfants de Ghaza    Un responsable sioniste annule les détentions administratives des colons illégaux    La BRI en coordination avec la Sûreté de daïra d'Aïn Madhi : « Deux dealers ont été mis hors d'état de nuire »        Vers la création de grands pôles spécialisés dans la culture de céréales et de maïs en grain    La France cherche des sanctions à imposer à l'Algérie mais n'en trouve pas    Ligue des champions : Le MCA arrache la qualification aux quarts dans la douleur    Le handball national face à ses objectifs    Coupe de la Confédération (Simba SC- CSC) : Le Mozambicain Celso Armindo au sifflet    Démantèlement d'un atelier clandestin de confection de bijoux en or    Récupération de 8 têtes de cheptel volées    Deux trafiquants arrêtés avec 3.660 capsules de Prégabaline    Caravane de formation sur les opportunités d'investissement et d'entrepreneuriat au profit des jeunes    Comment faire pour lire plus de livres ?    Zerrouki insiste sur la qualité des prestations et la promotion du e-paiement    Journée nationale de la commune: un nouveau système de gestion des collectivités locales en 2025    70e anniversaire de la mort de Didouche Mourad: conférence sur le parcours du chahid    Foot / Ligue des Champions (Gr: A - 6e et dernière journée) : héroïque en Tanzanie, le MC Alger qualifié en quarts de finale    Foot: clôture du Séminaire sur la gouvernance organisé par la CAF à Alger    Commerce: un programme proactif pour éviter toute éventuelle perturbation sur les marchés    Assainissement: traitement de près de 600 millions m3 d'eaux usées par an    La Coopérative Oscar pour la culture et les arts de Biskra commémore le 21e anniversaire de la mort du musicien Maati Bachir    Cancer de la prostate: le dépistage individuel seul moyen de prendre connaissance de la pathologie    Intempéries: plusieurs routes coupées en raison de l'accumulation de la neige    Conseil de sécurité: la diplomatie algérienne réussit à protéger les avoirs libyens gelés    Le Caftan constantinois: un des habits féminins prestigieux incarnant l'authenticité algérienne    Volley/Mondial 2025 (messieurs) - Préparation : le Six national en stage à Alger    Chutes de neige sur les reliefs de l'ouest du pays à partir de samedi    L'attaque "lâche" contre le siège de "Global Aktion" vise à empêcher toute forme de solidarité et de soutien au peuple sahraoui    Agression sioniste: environ 35 enfants palestiniens tués par jour à Ghaza, selon l'UNICEF    Le Président Tebboune a reçu les responsables de médias    Le ministre présente ses condoléances suite au décès du Moudjahid Mohamed Hadj Hamou,    Frédéric Berger n'est plus    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie auprès de la République de Sierra Léone    Batna: la dépouille mortelle du moudjahid Lakhdar Benchaïba inhumée au cimetière d'Arris        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Écrire (en Algérie), oui, mais pourquoi ? (II)
Enquête sur les motivations inavouées des écrivains algériens
Publié dans El Watan le 14 - 04 - 2005

pourquoi ne pas le dire : il arrive que, pour certains écrivains, écrire, c'est tout simplement la seule manière pour eux de donner un sens à leur vie. Pour eux, en dehors de leur obsession d'écrire, rien ne trouve grâce à leurs yeux.
Dans un monde de violence sociale, face au désordre des choses, l'écrivain - particulièrement en Algérie - ne trouve plus sa place, il s'agite, se sent mal, ne comprend pas sa détresse, il se sent perdu parce que sa sensibilité extrême, insoutenable ne le laisse pas en paix, parce que tout simplement, il fait partie de ces gens qui comme l'écrit Blanchot à propos de Kafka ne sont « pas très aptes à vivre. » Comme le dit, d'une façon facétieuse, Mustapha Benfodil : « J'écris parce que les psy. coûtent plus chers que la hantise d'une page blanche ! » Il arrive donc un moment, où il lui faut bien admettre qu'une vie ordonnée, linéaire, sage n'est pas pour lui.
Descendre toujours plus bas
Non pas qu'il soit anormal ou différent, mais il se rend soudainement compte que son inaptitude, ce qu'il croit être une faiblesse, est devenue sa force, une arme secrète et qu'il lui faut absolument s'y soumettre, y consacrer toute son énergie, tout son temps : sa vie. Il écrit pour vivre et cette vie lui sert à écrire. Pour lui, l'écriture n'est pas qu'un palliatif face au malheur de la vie quotidienne, c'est une autre vie, pleine de promesses, une vie autonome, parfois douloureuse mais qui sait lui donner des joies absolues. Mais comprendre que les raisons pour lesquelles on écrit sont intimement liées au simple fait de vouloir écrire toujours plus, comprendre cela implique de lourd sacrifices. Il ne suffit pas de savoir « pourquoi écrire ? » pour que le mystère de cette aventure s'épuise. Nul mieux que Kafka n'a pressenti, pensé et écrit sur l'acte même de l'écriture. Bien plus, il est arrivé au point où il ne tentait plus d'expliquer ses pulsions d'écriture - devenue au fil des années une névrose - mais au contraire ne désirait qu'une seule chose : s'abandonner sans réserve à l'écriture, être et se transformer - à l'instar de Grégoire Samsa, le héros de La Métamorphose - en un animal littéraire. « Je ne suis que littérature et je ne peux ni ne veux être rien d'autre », écrivait Kafka dans son Journal intime, ou encore « Tout ce qui n'est pas littérature m'ennuie ». Si on lui posait la question « Ecrire, pourquoi ? », il est probable qu'une de ses réponses serait : « Pour écrire ! » Kafka ne parlerait pas de politique, ne referait pas le monde, n'invoquerait aucun trouble (psychique, physique,... et on oublie aujourd'hui qu'il a vécu au temps de la Grande Guerre et de ses atrocités) mais parlerait sans fin de l'impérieuse nécessité d'écrire et pour écrire, de s'enfoncer dans la nuit, de descendre dans le sous-sol toujours plus noir de l'écriture. Pour Kafka, écrire ce n'est pas aller chercher (comme le veut l'image d'Epinal) l'inspiration là-haut dans le ciel, dans l'espace céleste de la grâce, non, c'est, comme l'a écrit Marthe Robert, dans une magnifique et fameuse expression « Creuser le puit de Babel ». Descendre pour s'élever, voilà l'étrangeté première de l'acte d'écrire.
L'espace du partage
Et puis il arrive, enfin, que l'on écrive pour des raisons presque triviales, d'autres sociales ou d'autres encore extravagantes. Chawki Amari - le seul écrivain algérien qui ressemble exactement à ses livres, c'est-à-dire qui est un écrivain absurde -, maniant avec virtuosité le paradoxe, écrit cela : « J'écris pour avoir quelque chose à dire. Mais comme j'ai déjà des choses à dire, j'écris en attendant d'avoir plus de choses à dire. » Plus loin, il y a le seul écrivain au monde (bien qu'il ait de nombreux cousins) qui sait exactement pourquoi il écrit. C'est aussi le seul écrivain, à ma connaissance, qui justifie pleinement son salaire : il s'agit de l'écrivain public. Rencontré près du square Sofia, il avoua que, selon lui, « les écrivains écrivent pour remplir les rayonnages vides des bibliothèques. Tandis que moi, j'écris parce qu'on me le demande ». C'est probablement le seul écrivain heureux parce qu'il sait exactement pourquoi il écrit : parce que quelqu'un, à un moment, est venu le voir et le lui a demandé. C'est une relation sociale qui s'est nouée, c'est un pacte qui a été scellé. Pourquoi écrire ? « Ecrire, c'est d'abord un acte esthétique à destination des autres. C'est un espace potentiel dans lequel je partage une infinité de sentiments à travers une histoire » nous dit Jaoudet Gassouma l'auteur de Zorna. « Pour ma part, je n'écris pas, mais si j'écrivais, il me semble que ce serait pour jouir d'un peu de reconnaissance », m'a alors soufflé un jeune éditeur algérois. Judicieuse et malicieuse remarque. Car seul l'écrivain sait bien qu'il est seul, il sait qu'il est « une machine célibataire » pour reprendre les mots de Marcel Duchamp. Mais, au fond, il sait aussi qu'il écrit pour être lu (car aucun écrivain n'a réussi à brûler son œuvre lui-même, de son vivant, ni Virgile ni Kafka). C'est le plus lourd secret qu'il puisse porter, c'est l'inavouable même qui éclaire le mieux notre lanterne. Ecrire parce que l'on a des choses à dire (et à écrire), c'est écrire parce que l'on désire qu'une personne prenne un livre (peu importe lequel), l'ouvre et le parcourt en silence. En définitive, ce qui demeure sacré, c'est cette alliance entre l'écrivain et le lecteur, quelles que soient les motivations du premier et qu'importe la façon dont le second s'empare de son texte, le lit, le transforme, le travestit. Ce qui demeure c'est aussi le recueillement, toujours silencieux, du lecteur face au livre, car, comme le dit si bien Enrique Vila-Matas : « Personne n'est moins agressif que quelqu'un qui baisse les yeux pour lire le livre qu'il a entre les mains. Il faudrait partir en quête de ce recueillement universel. » Ecrire, pourquoi ? Pour gagner un peu de sagesse.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.