La situation a failli dégénérer aux premières heures de la matinée d'hier au niveau du centre de vote Amzal Ali, de la ville de Haizer, 10 km au nord-est de Bouira. Des centaines de citoyens en colère avaient procédé à la fermeture de tous les bureaux de vote, et ce, pour protester contre le vote massif des militaires, a-t-on constaté sur place. Des représentants des partis politiques en course pour les élections locales, notamment ceux du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), du Front des forces socialistes (FFS) et du Parti algérien vert pour le développement (PAVD) ont crié au scandale. Mobilisés, les protestataires ont décidé de bloquer l'opération de vote. C'est la même situation vécue à l'occasion des élections locales de 2012 et de la présidentielle de 2014. L'opération de vote avait, pour rappel, tourné à l'émeute. Des citoyens et observateurs des huit listes électorales ont précisé que les bureaux de vote ont été pris d'assaut par des militaires du 52e régiment médical, dont la caserne est située sur la RN 33 reliant Bouira à Haizer. D'après les dires des mécontents, le nombre de militaires inscrits sur le fichier électoral est important. «Le nombre des militaires électeurs ont été rajoutés sur le fichier électoral, alors que le nombre était de 65 inscrits. C'est une fraude organisée au profit des partis du pouvoir», a-t-on dénoncé. D'autres enchaînent et ajoutent que «le pouvoir n'a jamais tenu ses engagements et il vient encore une fois de prouver, et de manière honteuse le recours à ces procédés en mobilisant des militaires pour voter au profit des partis au pouvoir. La honte !», crie un militant du RCD. Et d'ajouter : «Ce sont ces pratiques qui poussent la population à la révolte et à l'émeute.» L'opération de vote a été suspendue durant plus d'une heure. Les bureaux de vote ont été rouverts après l'intervention du chef de daïra qui a procédé à l'annulation des premiers bulletins et en interdisant aux militaires d'accéder au centre en question. Des renforts impressionnants des services de police et de la Gendarmerie nationale ont été déployés dans la région, surtout que la veille des jeunes ont brûlé des pneus à proximité du siège de l'APC de Taghzout. Des appels au boycott A Ahnif, à l'est de la wilaya, des candidats des partis de l'opposition ont dénoncé le parti pris de l'administration en faveur des partis au pouvoir. «Il y a beaucoup de personnes en possession des cartes de vote mais qui n'existent pas dans les fichiers. Pourtant, ce fichier est national. Ici à Ahnif, il y a un manque d'au moins 300 inscrits», a dénoncé un candidat de la liste FFS. Dans la localité de Raffour, commune de M'Chedallah, une urne APW saccagée a été remplacée par une autre. Dans le quartier déshérité d'Ouled Bouchia, au chef-lieu de Bouira, des slogans appelant au boycott des élections ont été apposés sur tous les murs des écoles. Ce sont notamment les paroles d'Anès Tina dans son dernier clip Rani Zaâfane qui ont été reprises. Par ailleurs, l'opération de vote s'est déroulée sans incident à travers d'autres localités de la wilaya, où nous avons effectué une tournée hier. C'est le cas notamment au chef-lieu de wilaya, à Aïn Bessem, Chorfa, Ath Mansour, Aghbalou et autres. A 17h, le taux de participation pour les APC s'est établi à 31,15% contre 27,77% pour l'APW. De son côté, Mme Dalila Saoudi, présidente de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE) de la wilaya de Bouira a affirmé que «plusieurs anomalies liées au déroulement du scrutin ont été enregistrées. Mais celles-ci ont été vite résolues.» Anarchie et bagarres dans les bureaux de vote Dans la wilaya de Boumerdès, les élections se sont déroulées relativement dans le calme, mais les comportements irresponsables de certains candidats et leurs sympathisants ont réduit de la crédibilité de cette opération de vote. Ainsi, si certains ont poursuivi la campagne dans et devant les centres du vote, d'autres en sont venus aux mains pour régler leurs comptes avec leurs concurrents politiques. Des bagarres entre têtes de liste ont ainsi éclaté à Boudouaou El Bahri, au centre du 1er Novembre à Boumerdès et à Koudiet Larayes (Légata) en raison, entre autres, du manque d'imprimés de certains partis et l'absence de certains noms d'électeurs sur le fichier électoral. A 17h, le taux de participation était de 30,46% pour les APC et 28,66% pour l'APW. La défection des électeurs était prévisible tant rien de concret ne leur a été présenté par les partis en lice pour améliorer leur vécu. A Boumerdès, aux Issers, Si Mustapha, Boudouaou, les électeurs, notamment les personnes du 3e âge, étaient harcelés devant les bureaux de vote par des jeunes, dont certains auraient été payés pour accomplir ce travail : «El Hadj, vote pour le…». Et le sexagénaire excédé de répliquer : «Normalement, vous ne devez plus faire campagne !» Un jeune lança à un autre électeur un numéro de parti candidat. Le citoyen, outré, lui répondit : «Vous avez sali nos murs par vos affiches sauvages et vous nous harcelez maintenant. Laisse-moi tranquille, je vote pour qui je veux !». A l'intérieur, la surprise est de taille lorsqu'on croise des candidats dans les couloirs. Sous prétexte d'aider des électeurs en difficulté, ils en profitent pour les influencer à voter pour eux. Mais le souci primordial est de retrouver son nom. Ce père de famille s'énerve : «J'ai toujours voté ici et aujourd'hui vous me dites que mon nom ne figure pas. Mes enfants sont sur les listes et pas moi. Je ne m'en irai pas bredouille, même si je dois emporter votre maudit PC.» Les mêmes scènes de «délit d'influence» ont été constatées à Tidjelabine, où les personnes en dehors des bureaux étaient plus nombreuses que celles à l'intérieur. A Corso, la veille des élections, un militant du RND a été pris en flagrant délit de taggage d'affiches des candidats. Il a été roué de coups avant de reconnaître qu'il avait été payé pour ce travail.