L'année 2018 sera politique. Précédant l'élection présidentielle du printemps 2019, cette année qui s'ouvre concentre beaucoup d'enjeux. L'enjeu de la succession (ou d'un cinquième mandat) reste le plus pesant sur l'agenda 2018-2019, bien que, dès le 19 mars, date de la réunion du comité central du FLN, Djamel Ould Abbès (s'il reste à son poste d'ici là) aura dévoilé le candidat de l'ex-parti unique. Le patron du FLN avait déjà déclaré que «le FLN aura son candidat en 2019», qu'il avait en tête le nom de ce candidat. Inutile de trop fantasmer dessus : il s'agit donc de l'actuel chef de l'Etat… et pas de son frère selon ce même Ould Abbès qui a annoncé mardi que Saïd Bouteflika «n'a aucune ambition politique». Voilà qui est – presque – clair et met fin, pour l'instant, à pas mal de spéculations. Pour le moment, faut-il le répéter, car l'opacité règne toujours à défaut de clés d'analyse. Mais il faut se fier à Ould Abbès : «Ceux qui font des calculs pour 2019 se trompent. Ils ne devront pas compter sur le soutien du FLN qui aura son propre candidat !» Cette déclaration, en octobre dernier, est adressée à celui qu'on a présenté par certains cercles comme présidentiable : l'actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Les insinuations de Ould Abbès contre le patron du RND, parti frère-ennemi et ex-clone du FLN, iront certainement crescendo vu la ténacité ouldabbessienne à décourager tous ceux qui osent porter un projet pour 2019 hors du cercle de Zéralda. 2018 sera donc l'année où les hostilités entre les deux partis vont connaître de nouveaux rounds, mais aussi, l'apparition de nouveaux challenger face aux options de Zéralda, car la question qu'il faut se poser, même après l'éclatement du pacte de Mazafran de l'opposition, est qu'elle sera le rôle de cette dernière ? Et c'est le grand défi de cette opposition qui se cherche depuis un moment, qui a pu exister contre le quatrième mandat, mais sans cristalliser assez ses positions et rassembler ses troupes pour peser dans la balance. Comment exister aujourd'hui face à la résilience générale imposée par l'option du cinquième mandat ? C'est la question existentielle qui sera tranchée pour l'opposition en 2018. Mais l'œuvre reste pénible tant que la société a été travaillée en profondeur pour condamner sans ambages la chose politique et que les Assemblées élus redeviennent si vite des coquilles vides entre l'excitation de deux moments électoraux qui ouvrent et ferment les mandats. L'année 2018 sera donc décisive aussi pour l'opposition, mais aussi pour certains partis ou leaders politiques qui se sont aménagés une zone grise entre l'allégeance et l'opposition classique, à l'image d'un Abdelaziz Belaïd, président du Front El Mostakbal, qui a peu à peu tracé sa ligne politique tout en nuance, tout en gardant une certaine distance avec le pouvoir de Zéralda. Cette catégorie de figures est moins clivante aux yeux du système et peut, en même temps, tisser des liens avec l'opposition pure et dure. Ces acteurs politiques, qui se sont assez bien imposés lors des dernières locales, et qui évoluent dans cette zone grise, sont aussi à surveiller de près. Ils font partie des indicateurs qui trahiront le secret de la tectonique des plaques au sein même du système politique au sens large (englobant administration, société civile, le sécuritaire et l'ensemble des partis). Il ne faut jamais oublier que, dans des situations de blocage ou de crispations entre clans, les outsiders made in planète politique DZ ont toujours joué un rôle de premier plan (même si le contrat peut être de courte durée). Pour en revenir donc à l'enjeu principal – la succession du chef de l'Etat actuel – il faut se projeter dans l'après-2019 si Abdelaziz Bouteflika s'entête à aller à un cinquième mandat. La question à poser est la suivante : est-ce que le régime, qui a épuisé, humilié et brisé ces ressources humaines, peut encore les mobiliser pour le chantier de l'après-Bouteflika ? Rien n'est moins sûr, mais on peut faire confiance au bricolage endémique du régime ! D'autant plus que le système fera face aux contrecoups d'une crise qui n'en finit pas, l'obligeant à opérer des colmatages ici et là sur plan économique et financier, à improviser des pseudo-stratégies sans aucune vision pour l'avenir. Cette semaine, une étude menée par la direction générale du Trésor français précise que le taux de chômage en Algérie, évalué à 11,7% pour 2017, «devrait atteindre 13,2% en 2018, du fait d'un ralentissement de l'activité économique (0,8% de croissance prévu en 2018), alors que le taux de chômage des jeunes s'établit à 26% (18% pour les diplômés de l'enseignement supérieur)", relevant que le taux de chômage des femmes reste "plus élevé" (20 %) que celui les hommes (8,1 %).» Récemment, dans une interview, l'expert Abderrahmane Mebtoul alerte : «Sans correction de l'actuelle politique économique, notamment industrielle, dont le résultat est mitigé ces dernières années contrairement à certains discours démentis par le terrain, le risque est d'aller droit vers le FMI horizon 2018/2019 ou cohabiteront crise financière et crise de gouvernance.» Les pires scénarios sont pressentis parce que le refus des réformes aussi bien politiques qu'économiques fait partie de l'ADN d'un système qui croit avec la force d'une foi inébranlable que tout changement est synonyme d'instabilité. Oubliant que le statu quo, dans les situations de crise, est la pire des stratégies. Et ce ne sont pas les remaniements au sein de l'équipe Ouyahia, prévus début 2018, qui amélioreront la donne. Tant que le logiciel n'est pas changé, tant que la bureaucratie administrativo-sécuritaire continue de tenir le pays, nous ne pourrons pas traverser calmement les remous à venir. Parce que c'est de cela qu'il s'agit en 2018-2019 : passer le cap. «C'est une obsession pour nous, garantir une transition future sans trop de casse», explique une source se définissant active dans l'Etat profond. Sans casse ? Espérons.