Souvent il déblatère, mais lorsqu'il s'agit de la présidentielle d'avril 2019, son propos n'est ni fortuit ni innocent : il relaye, à demi-mot ou au second degré, des orientations politiques lourdes, élaborées bien plus haut que lui. En disant que Saïd Bouteflika ne sera pas candidat pour avril 2019, Ould Abbès n'hésite pas à démentir son affirmation récente sur «le droit du frère du Président à se présenter en tant que citoyen». Manifestement parce qu'elle est très mal vue en Algérie et partout dans le monde, la perspective d'une «succession dynastique» est pour le moment écartée. Mais en Algérie, comme dans tout pays en lourd déficit démocratique, tout est aléatoire. Une décision émise aujourd'hui peut vite être remplacée par une autre demain au gré des conjonctures et des rapports de force. Une candidature de Saïd Bouteflika pourrait bien ressurgir, entre 2018 et début 2019, à la double condition qu'elle ne se fasse pas contre son frère, si celui-ci se représente et que les clans du système s'entendent sur son nom, comme l'ont fait, à la fin des années 1990, les généraux pour imposer Abdelaziz Bouteflika. Ould Abbès se joindrait naturellement à ces clans, l'essentiel étant pour lui que le pouvoir reste entre les mains des Bouteflika, sa préférence allant bien entendu pour le Président actuel «qu'il a dans la tête». Le FLN le proposera d'ailleurs en mars prochain comme son candidat pour avril 2019. Manifestement, c'est en rangs serrés que le système est en train d'avancer, opérant «réglage sur réglage» pour être au rendez-vous de la prochaine élection. La question de Saïd Bouteflika vient apparemment d'être «réglée» après qu'a été résolu, dans la douleur, le problème dit des forces de l'argent qu'un ancien Premier ministre voulait écarter du champ politique. Comme les clans politiques ont besoin de leurs milliardaires, Tebboune a été limogé brutalement, ce qui traduit toute la capacité des autorités à ne reculer devant rien. Mais d'autres écueils se dressent sur le chemin du 5e mandat, parmi eux la combativité des autres candidatures, pas seulement de l'opposition, la «sincérité du scrutin» et le climat politique et social. Certes, le système n'a pas changé dans son essence, ses ambitions et ses forces, mais il n'agit plus en terrain conquis. Il rencontre de plus en plus de résistances, y compris en son sein. Bien des généraux ont été évincés, à leur tête Toufik, le patron des renseignements, du fait qu'ils aient décidé de ne plus jouer le jeu du pouvoir et de son Président. Il n'est pas sûr que d'autres, mais en poste, ne soient pas dans le même état d'esprit, y compris des personnalités politiques du sérail, certains même se verraient présidentiables, à l'image d'Ahmed Ouyahia. La course sera donc impitoyable. Les partis et les personnalités indépendantes qui ont engrangé beaucoup d'expérience durant les mandats successifs feront tout pour empêcher que l'Etat se mette au service du «candidat du système», comme avant, en toute impunité. Ils auront à leurs côtés la frange de la population qui aspire au changement, à l'alternance et à l'émergence de candidats nouveaux, jeunes et modernes, ce qui se réalise un peu partout dans le monde. Les jeunes ont de nouvelles exigences et la revendication pour le changement sera exacerbée par le contexte économique et social. Comme rien n'a été fait pour sortir le pays de la crise, le système subira une lourde sanction populaire, ses candidats dans la foulée aussi. Sauf si une triche massive intervient lors du scrutin, un remake du vote à la Naegelen, avec ses terribles conséquences pour le pays.