La journée d'études organisée aujourd'hui (mercredi), à l'Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l'information s'intéresse ainsi à l'un des outils les plus influents de ce qui est appelé le soft power. «La stratégie d'influence par le cinéma séduit de plus en plus les Etats qui ont saisi le rôle que peut jouer le cinéma comme acteur du soft power, la Chine, la Corée du sud, la Russie, l'Inde et le Japon ont tous financé des films à grand spectacle destinés à promouvoir leur histoire et leur culture», écrit le Dr Nawel Frahtia, enseignante à l'Ecole du journalisme et organisatrice de l'événement, dans son appel à communication, après avoir rappelé la domination étatsunienne dès le lendemain de la seconde guerre mondiale. «La stratégie américaine (Plan Marshall) s'est traduite par les accords franco-américains Blum-Byrnes signés en mai 1946 selon lesquels les Etats-Unis acceptent d'effacer la dette de la France et octroient ainsi une aide de 300 millions de dollars américains (4,3 milliards de dollars, valeur 2017) ainsi qu'un prêt bancaire de 650 millions de dollars (9,3 milliards de dollars, valeurs 2017) en contrepartie de l'ouverture totale des salles de cinéma français à la production cinématographique américaine», écrit-elle encore pour mesurer l'enjeu stratégique que représente le septième art. Dans cette course à la domination culturelle, quoi de plus normal que de se poser la question sur la place de l'Algérie, sa stratégie et ses ambitions dans la problématique centrale de la journée d'études. Le cinéma algérien qui a eu ses moments étincelants dans les années 1960-1970, entre autres avec La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo en 1965 qui a décroché le Lion d'or à la Mostra de Venise (1966) et a été primé à Cannes et nommés aux Oscar, ou encore Chronique des années de braise (Lakhdar Hamina, 1975), Palme d'or au festival de Cannes, car ce cinéma algérien avait un message puissant à faire passer : décolonisation et lutte pour l'indépendance. Aujourd'hui en mal d'idéologie et sans stratégie claire en termes de positionnement géostratégique, le pays, et par ricochet le cinéma algérien, est «en repli et cherche un renouveau». «C'est sous ce constat que nous nous intéressons à la production cinématographique sous un angle inédit, celui de l'approche géopolitique : dans quelle mesure le cinéma construit des messages et les véhicule ? Comment et par quel mécanisme le septième art se consacre constructeur de valeurs et promoteur de culture et créateur de modèle destiné à l'exportation ?» s'interroge le Dr Nawel Frahtia. Pour la journée d'études, cinq thématiques ont été choisies par les organisateurs, à savoir : cinéma engagé, «les soldats de l'image», résonance réelle sur l'opinion publique internationale ; cinéma algérien d'aujourd'hui : états des lieux et perspectives ; cinéma : une industrie culturelle, vecteur du soft power à l'ère de la mondialisation ; le mode de production et le circuit de diffusion cinématographique en Algérie, ainsi que la stratégie de production de l'Algérie afin d'assurer une visibilité culturelle et contrecarrer celle des pays émergents tels la Turquie, l'Egypte, la Syrie et les pays du Golfe, l'Inde d'un côté et celle arrivant de l'Occident de l'autre. L'événement verra la participation de plus d'une dizaine de chercheurs et la présence de nombreux réalisateurs et producteurs de cinéma, à l'instar d'Ahmed Rachedi, Belkacem Hadjadj, Bachir Derraïs, ou encore Lotfi Bouchouchi.