La Libye vient de remporter le bras de fer diplomatique l'opposant à l'Union européenne (UE), conflit né à la suite de la décision de la Suisse d'inscrire de hautes personnalités libyennes sur une liste noire de ressortissants de ce pays interdits d'entrée dans l'espace Shengen. Une décision qui avait amené Tripoli, dans un geste de réciprocité, à fermer ses frontières à tous les ressortissants des pays de l'UE. Après plusieurs jours marqués par une vive tension entre Tripoli et Berne et un intense chassé-croisé diplomatique pour trouver une solution à la crise, l'Union européenne a annoncé samedi sa décision de lever les restrictions à la circulation imposées à des personnalités libyennes. En interpellant de façon musclée Hannibal, le fils du président libyen, accusé d'avoir agressé des domestiques lors d'un séjour en Suisse, Berne n'avait pas pris la mesure des conséquences pouvant découler de ce qui était considéré par ce pays, à tort, comme un simple fait divers, comme l'a prouvé l'ampleur de la crise diplomatique. Le président El Gueddafi, qui a réagi avec fermeté, savait que le pari qu'il avait engagé n'était pas aussi fou qu'il n'y paraissait pour beaucoup, qui avaient misé sur un nouvel isolement politique et diplomatique de Tripoli. Non seulement le leader libyen a réussi à faire plier les Européens, se payant même le luxe politique de leur arracher des excuses officielles, mais bien plus, fort de ce qu'il considère comme son bon droit, il a annoncé sa ferme volonté de s'en remettre à l'arbitrage international pour régler le différend avec la Suisse. Mise, il n'y a pas longtemps, au ban de la communauté internationale, la Libye se présente aujourd'hui comme un Etat respectable et respectueux de la légalité internationale. Après un isolement de plusieurs années, le retour de Tripoli sur la scène internationale ne signifie pas que le régime libyen se soit politiquement amendé à l'intérieur et dans ses relations avec l'étranger. Sa respectabilité, dont s'accommodent même ses adversaires d'hier les plus acharnés, il la tient de ses inestimables richesses énergétiques et de son marché intérieur qui suscite les convoitises des investisseurs étrangers, et principalement européens. Tripoli a compris cela et n'hésite pas à mettre ses atouts économiques et commerciaux dans la balance pour faire entendre sa voix. L'Algérie, qui est victime du même délit de faciès dont sont frappés ses ressortissants candidats au voyage en Europe et aux Etats-Unis, lesquels sont soumis à des mesures discriminatoires intolérables pour un Etat respectueux de la dignité de ses ressortissants, n'a pas ou n'a plus cette capacité de pouvoir peser sur le cours des événements. L'arme économique qui avait permis à l'Algérie, par le passé, de négocier en position de force ses intérêts s'est enrayée et n'a plus aucun effet dissuasif. La dignité de l'Algérien n'est plus cotée en bourse. Elle s'est dramatiquement dépréciée dans un pays qui dort paradoxalement sur un matelas financier de 150 milliards de dollars. L'argent mal utilisé ne peut être que source de malédiction et d'appauvrissement.