Un rassemblement de soutien à Adlène Mellah a été organisé hier à la maison de la presse Tahar Djaout, à Alger. Même s'il n'y avait pas foule, de nombreuses personnalités médiatiques et culturelles ainsi que des militants ont appelé à la libération d'Adlène Mellah, en grève de la faim à la prison d'El Harrach. Le président du tribunal de Bab El Oued, juridiction qui l'a condamné à une année de détention ferme, a été muté, de manière surprenante, en tant que conseiller à la cour de Aïn Defla. Ils étaient peu nombreux à répondre hier à l'appel à un rassemblement de solidarité avec le journaliste Adlène Mellah, condamné à une année de prison ferme, et dont le procès en appel est fixé au 23 janvier. Hier, à la maison de la presse Tahar Djaout, à Alger, quelques dizaines de journalistes, de membres de la société civile, de militants des droits de l'homme et des citoyens ont appelé à la libération du journaliste en hissant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : «Le journalisme n'est pas un crime» et «Halte aux atteintes à la liberté de la presse». Présente dès le début du rassemblement, l'avocate et porte-parole du mouvement Mouwatana, Zoubida Assoul, a dénoncé les conditions de détention d'Adlène Mellah à la prison d'El Harrach, à Alger, en insistant sur l'état de santé de ce dernier. «Maître Mustapha Bouchachi et moi-même avions rendu visite à Mellah, il y a deux jours, et il était dans une situation critique. La grève de la faim qu'il mène depuis quelque temps lui a fait perdre 14 kg et, malgré cela, il poursuit son action de contestation. S'il continue, son état de santé risque de se détériorer davantage. Il peut même subir le sort du journaliste Mohamed Tamalt, mort il n'y a pas si longtemps, alors qu'il était en détention. A cela s'ajoutent les mauvaises conditions d'incarcération dans lesquelles il est maintenu. Isolé des détenus, il souffre du froid et de l'humidité et n'arrive même pas à se lever ou à parler. Il a perdu toute son énergie de militant et se sent terriblement touché dans sa dignité de citoyen. Il n'espère qu'une seule chose : avoir le droit à un procès équitable. J'exhorte les autorités du pays à faire en sorte qu'Adlène Mellah soit jugé en respect des lois de la République. On ne peut mettre en prison un journaliste parce qu'il est protégé par l'article 50 de la Constitution, lequel article a dépénalisé tous les délits de presse», déclare l'ancienne magistrate, reconvertie en avocate porte-parole du mouvement Mouwatana, tout en lançant un appel pour un autre rassemblement de soutien à Adlène Mellah devant la cour d'Alger, lors de son procès prévu le 23 janvier. «Nous devons montrer au pouvoir que cette répression ne nous fait pas peur. Nous continuerons à défendre tous les citoyens qui se sentent privés de leurs droits constitutionnels», dit-elle. Le journaliste Saïd Boudour lui emboîte le pas. Il revient sur les nombreuses arrestations de journalistes des médias électroniques, en disant : «L'année 2018 a été sinistre pour la presse. Nous espérons que 2019 ne soit pas comme celle qui l'a précédée. Nous refusons d'assumer les défaillances des pouvoirs publics qui n'ont pas à ce jour mis en place les mécanismes de protection de la presse électronique. Nous avons tous vécu des moments très difficiles avec les nombreuses arrestations et les mises en détention de journalistes sous les caméras de certaines chaînes de télévision privées. Certes, nous ne sommes pas nombreux aujourd'hui, parce que beaucoup n'ont pas eu l'information ou sont absents, mais nous devons nous organiser pour que d'autres journalistes ne soient pas victimes de la répression, de la censure et des atteintes à la liberté d'expression. Nul n'est à l'abri de ces atteintes. Hier, c'était le défunt Mohamed Tamalt et Saïd Chitour, aujourd'hui, c'est Adlène Mellah sans compter les nombreux autres journalistes privés de leur droit de voyager, en vertu d'une décision de justice, alors qu'ils n'ont pas encore été jugés. Nous sommes dans l'obligation de nous organiser pour protéger la profession des dangers qui la menacent. Il faut arrêter cette machine en disant stop à la chute de la presse qui entraîne la chute du pays.» Après les déclarations des uns et des autres, les manifestants ont marché symboliquement dans l'enceinte de la Maison de la presse, en scandant : «Libérez Adlène Mellah», «Le journalisme n'est pas un crime», «Non aux atteintes à la presse», «Sahafa horra democratiya» (presse libre et démocratique, ndlr). D'autres intervenants ont pris la parole pour exprimer leur solidarité à la corporation de journalistes et particulièrement à Adlène Mellah, directeur d'un site électronique. Parmi eux, le blogueur Abdelkrim Zeghileche et Khelaf Benhedda, ancien collègue de Adlène Mellah, mais aussi la militante engagée Amira Bouraoui, le réalisateur Bachir Derrais et l'acteur Khaled Benaissa. A la fin du rassemblement, l'épouse de Adlène, Ritaj Mellah, prend la parole : «La dernière fois que j'ai vu mon mari, j'ai senti le danger. Lorsque j'ai voulu le convaincre de mettre fin à la grève, il a fini par me persuader de la nécessité de son action, qui était une réponse au déni de droit dont il est victime. Il m'a dit qu'il continuera à faire la grève de la faim jusqu'au 23 janvier, le jour de son procès en appel. Il réclame un procès équitable, la garantie de son droit à une défense et que celle-ci puisse exercer librement et pleinement ce droit.» En milieu de journée, les manifestants ont commencé à quitter la Maison de la presse, qui dès la matinée a été encerclée par un important dispositif policier. Il est à rappeler que Adlène Mellah, a été arrêté en décembre dernier, lors d'un rassemblement de soutien à l'artiste Réda City 16, en détention, avec deux autres personnes, à proximité du Théâtre national d'Alger. Il avait été condamné par le tribunal de Bab El Oued à un an de prison ferme à l'issue d'un procès houleux, durant lequel les avocats se sont retirés après quelques plaidoiries pour protester contre «l'interférence» de la présidente et «les atteintes» aux droits de la défense. Malgré ce retrait, le tribunal a rendu sa décision très tard dans la soirée. Quelques jours après, et dans la discrétion la plus totale, la chancellerie a relevé le président du tribunal de cette juridiction, qui a la charge de désigner les juges de siège pour examiner les affaires, pour le muter comme conseiller à la cour de Aïn Defla. Une décision surprenante, qui s'apparente visiblement à une sanction, dans la mesure où elle intervient en pleine année judiciaire, et en dehors de tout mouvement dans le corps de la magistrature. En tout état de cause, le procès en appel de Adlène Mellah et de ses deux coprévenus aura lieu le 23 janvier. En attendant, son autre affaire, pour laquelle il a été placé sous contrôle judiciaire, doit être jugée le 7 février prochain.