D'abord la mer en haut, avec peu de poisson, ce qui explique son prix exorbitant, mais pleine de barques trouées et de harraga déterminés. Ensuite le désert en bas, terre évidée mais pleine de migrants qui montent vers la première, la mer. Puis, de façon générale, en regardant de haut, au nord, une Europe hostile, avec la France en tête de pont qui serre sur les visas, pointe un œil méfiant sur la rive sud de la Méditerranée, tout en se répandant en débats interminables sur le faut-il se voiler la face ? A l'ouest, un ennemi séculaire, le royaume du Maroc, frontières fermées et hostilités ouvertes. Au sud-ouest, une république sahraouie qui n'en n'est pas encore une, objet de querelles avec le voisin du dessus, épine dans le Maghreb qui peine à marcher sans ses bottes militaires. A l'est, une Tunisie faussement tranquille, avec une frontière siège de tous les trafics. Au sud-est, la Libye, terre imprévisible dirigée par un illuminé qui peut changer d'avis sur rien et sur tout. Et au sud, enfin, grand bac à sable pour méchants adultes, un Sahel turbulent et friable, siège d'enlèvements et d'actes terroristes qui mettent en péril toute la région. Des quatre points cardinaux, l'Algérie apparaît cernée par des hostilités et des tensions croisées, comme prise dans le maillage de l'histoire et de la géographie. Quadrillée ainsi, on pourrait croire qu'elle tendrait à vouloir respirer à l'intérieur de ses frontières obligées et à s'ouvrir sur elle-même. Pourtant, l'Algérie est aussi quadrillée à l'intérieur. Des centaines de milliers de policiers aux barrages filtrants, de dénonciateurs d'idées, de traqueurs d'opposants, d'« interdicteurs » de débats, de chasseurs d'internautes et de réprimeurs de manifestations. Serrée à l'extérieur, l'Algérie est aussi serrée à l'intérieur. Pourquoi ? Tout est dans la tête. Oui, mais la tête de qui ? De tous ceux qui pensent avec les pieds.