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“4 000 clandestins sont morts entre 1997 et 2004 au large des côtes marocaines”
Khalil Jemmah, président de l'association des familles des victimes de l'immigration clandestine (Af
Publié dans Liberté le 19 - 06 - 2005

L'Association des familles des victimes de l'immigration clandestine (Afvic) a vu le jour en 2001 avec l'ampleur qu'a prise le drame des “harragas” repêchés en haute mer après le naufrage de leurs modestes pateras. Cette ONG marocaine est sans doute l'unique du genre dans tout le Maghreb. Dans cet entretien, son président, rencontré lors du séminaire de Grenade, fait le point de la situation de l'immigration clandestine au Maroc et au Maghreb.
Liberté : Comment est née l'Afvic ?
Khalil Jemmah : Notre association a été créée par un groupe de jeunes de la région de Khribga, une région très sinistrée par le phénomène migratoire, entre les personnes qui sont mortes dans la traversée ou celles qui sont parties et ne sont plus revenues. Ces jeunes se sont donc constitués en association pour arrêter cette hémorragie humaine et casser le mur du silence qui entourait cette question à l'époque.
Vous parlez d'hémorragie. Le mot est fort. Est-ce qu'on peut avoir une estimation du nombre de personnes qui sont parties ?
Pour vous donner une petite idée, dans ma ville natale, on est uniquement quatre personnes de la même promo qui sont restées. Toutes les autres sont parties. C'est une vraie hémorragie sociale. Les gens font des études, ensuite partent, alors que nous, pays du Maghreb, nous ne sommes pas des pays riches et nous ne pouvons nous permettre de former des gens et les laisser partir.
Pourquoi les jeunes ont-ils tellement envie de partir ?
Selon une étude que nous avons réalisée, il est apparu que l'envie de partir est plus liée à l'image de l'éldorado européen. C'est une culture, ce qu'on appelle la culture du “h'rig” au Maroc. Quand on voit toutes ces “success stories” à travers les chaînes de télévision, alors cette idée devient une obsession. C'est un mythe alimenté par ceux qui n'ont pas la possibilité d'accéder au territoire européen. C'est l'embargo sur les jeunes du Maghreb qui nourrit cet amour qui devient une obsession par la suite.
Il y a beaucoup de morts en mer ?
De 1997 à 2004, nous avons recensé à peu près 4 000 morts et portés disparus. Mais aujourd'hui, il y a une prise de conscience internationale sur ce qui se passe au niveau de la Méditerranée. Dans le Sahara, par contre, c'est toujours l'omerta. Personne n'en parle. Pourtant, le nombre de morts dans le désert dépasse de loin le nombre de morts au niveau du détroit (de Gibraltar, ndlr).
Est-ce que vous pouvez nous raconter le périple que suivent à partir du Maroc les candidats à l'exil ?
Il convient de noter qu'au Maroc, nous n'avons pas de vraie mafia comme la mafia russe ou la mafia italienne. Nous avons des groupes de personnes qui travaillent d'une façon indépendante et qui essaient de faciliter le passage. Il y a d'abord le recruteur. C'est quelqu'un qui est du village et qui fait le recrutement des personnes qui veulent partir. Après, il y a le transporteur qui conduit les jeunes du village vers la côte. Et puis nous avons l'hébergeant, qui assure l'hébergement en attendant le moment propice pour partir. Et là, on assiste à une exploitation incroyable. Ainsi, une baguette de pain qui coûte un dirham peut atteindre 6 dirhams. Les sandwichs sont vendus quatre ou cinq fois plus cher. C'est tout un business qui fleurit autour de ça.
Comment se passe la traversée ?
Avant, le trajet s'étalait sur 30 à 60 kilomètres. Les côtes marocaines s'étendent sur 3 500 km et sont, de ce fait, difficiles à contrôler. Aujourd'hui, avec l'approche sécuritaire instaurée par les Européens, les clandestins prennent plus de risques. Ils doivent faire 200, voire 500 km de traversée en haute mer, dans des conditions très difficiles à bord de pateras de fortune, pour atteindre Tarifa, dans le sud de l'Espagne. Nous ne cessons de dire que l'approche sécuritaire n'a fait qu'aggraver le risque pour nos enfants et enrichir les mafias de trafic humain.
Combien coûte le voyage ?
Cela va de 400 euros jusqu'à un voyage de luxe par avion à 7 000 euros. Les mafias du trafic humain, malgré toutes les méthodes sécuritaires utilisées, ont leur stratégie. Il faut savoir que le flux migratoire qui arrive par pateras ne représente absolument rien par rapport au flux migratoire qui arrive par avion. Les passeurs procèdent en trafiquant les documents ou en pratiquant ce qu'on appelle le via-via, avec des complicités à l'aéroport de Madrid par exemple, en passant par Damas.
Comment vous y prenez-vous pour expliquer aux jeunes qu'ils doivent cesser de prendre autant de risques ?
Notre travail de sensibilisation porte en fait sur trois axes. En premier lieu, nous sensibilisons les jeunes contre les risques de l'immigration clandestine. En l'occurrence, notre action se fait essentiellement dans les écoles où nous effectuons un travail pédagogique auprès des enfants à travers des pièces humoristiques alternées avec des images chocs. Ensuite, nous sensibilisons les pouvoirs publics sur la nécessité de créer des espaces de réalisation pour que nos concitoyens aient le libre choix de rester chez eux. Enfin, nous ciblons l'opinion publique internationale sur la nécessité d'adopter une approche plus humaine en matière de lutte contre l'immigration clandestine. Hélas, nous disposons de moyens très limités, et nous ne pouvons faire de grandes campagnes.
Est-ce que vous vous occupez un peu des immigrants issus de l'Afrique subsaharienne ?
Nous avons, en effet, un programme dans ce sens. Il s'agit du programme “Migrations”. En fait, nous avons constitué avec des associations françaises une “plate-forme migrants” qui travaille sur l'accueil des immigrants subsahariens qui arrivent au Maroc. Nous avons également le soutien du Haut-Commissariat aux réfugiés dans le cadre d'un travail sur la notion de droit d'asile.
Comment vivent ces migrants ?
Vous savez, la situation au Maroc dans les camps de Bouroubou ou de Belyounès ne diffère guère du camp de Maghnia. Le phénomène migratoire au Maroc a pris des proportions incroyables. Dans le camp de Belyounès, en 2000, il y avait à peine une centaine de migrants. En 2004, ils étaient plus de 2 000. Tous de l'Afrique subsaharienne. Ils vivent dans des conditions très difficiles. Ils n'ont pas de toit, pas d'eau potable, pas de sanitaires. Il y a des enfants, des femmes…
Les femmes ont-elles subi des agressions ?
Les témoignages que nous avons recueillis nous font part, en effet, d'agressions sur la route, que ce soit au Mali, en Algérie ou au Maroc. Certaines femmes arrivent au Maroc avec des ventres pleins. On dit qu'elles sont enceintes parce qu'elles veulent accoucher en Europe. C'est faux ! Elles sont enceintes pour avoir été victimes d'agressions sexuelles, de viols. D'autres femmes nous ont confié qu'elles ont payé leur voyage en se livrant à la prostitution sur la route.
Comment est régulé l'accès aux camps de Ceuta et Melilla ?
Sincèrement, je n'ai pas beaucoup de données sur ce qui se passe là-bas, dans ce que nous appelons des “zones de non-droit”. Ces régions sont parmi les dernières colonies du monde.
Quelle est la politique du Maroc concernant l'immigration clandestine ?
La politique du Maroc, c'est la politique européenne. Nous avons toujours demandé une politique d'immigration. On s'est retrouvé avec une “police d'immigration”. On a toujours demandé un dialogue méditerranéen sur cette question. On s'est retrouvés avec des monologues européens qui sont imposés à la rive sud. Que ce soit le Maroc, l'Algérie, la Libye ou la Tunisie, je crois qu'ils sont là pour appliquer les directives de Bruxelles relatives à la gestion des flux migratoires. La migration marocaine ou maghrébine de manière générale ne me fait pas peur. Ce qui me fait vraiment peur, c'est ce flux migratoire qui arrive de l'Afrique subsaharienne et comment nous, on pourrait traiter cela d'une façon plus humaine dans le respect de la dignité de ces migrants qui sont pris dans un véritable entonnoir entre l'Algérie et le Maroc.
M. B.


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