Des chercheurs se sont attelés à débattre de l'œuvre du chantre kabyle, Matoub Lounès, lors d'un colloque national clôturé hier à Tizi Ouzou. Il était organisé par le Département de langue et culture amazighes (DLCA) de l'université Mouloud Mammeri, à l'auditorium du campus de Hasnaoua. Nordine Bellal, maître-assistant à l'université de Bouira, a présenté une communication sur l'étude sémiotique du texte Amjazi (communion avec la patrie de Matoub). Il a ainsi souligné que dans le poème Tuzma (L'effroi), «les sujets sont dans une relation polémique, (le sujet passionnel et sujet valeur ou le non sujet), sont dans un programme d'antagoniste, chacun revendique sa position et son identité. Il y a le programme de sujet passionnel (Netta) (Lui) qui essaie de justifier l'erreur par la passion, la tolérance et le programme de sujet valeur (Nettat) (Elle) qui refuse les justifications par l'indifférence. L'énonciation est organisée en vers sous forme de sept strophes, où le sujet passionnel en six vers supplie sa belle aimée pour gagner sa compassion, mais elle le sujet de valeur lui répond négativement en deux vers à sa supplication d'une façon à déconstruire son argumentaire, le poème est ainsi organisé jusqu'à la sixième strophe», a expliqué le même intervenant qui a ajouté dans la chanson Ironie du sort (Ayen iraden), les sujets sont dans une relation de collusion, ils ont un même programme ; ils ont une même identité et une même position. «Dans la première strophe, le sujet passionnel annonce sa résignation pour le programme de sujet de valeur qui est en relation contractuelle avec lui», a relevé le même chercheur. Abordant pratiquement dans le même sillage, mais sous une autre approche, Amar Laoufi, enseignant à la même université, a essayé de décortiquer les fonctions de l'ironie dans la poésie matoubienne : cas des trois poèmes chantés, à savoir Allah Wakbar, Lehedjadj et Ur Ifur. Le Dr Ali Chebili, maître de conférences au département de français de Tizi Ouzou, a donné une communication sur «l'autobiographie, texte d'expression d'un moi rebelle et prétexte pour dire le destin d'un peuple nié dans son existence et son combat pour la quête de l'identité dans le livre Rebelle de Matoub». De son côté, Kaci Sadi, enseignant au DLCA de l'université Mouloud Mammeri, a parlé de la traduction et de la réadaptation de la poésie de Matoub. «Faut-il retraduire et réadapter la poésie de Lounès Matoub», tel est le thème développé par le même chercheur, tandis que Nawel Iftissen, de l'université de Bouira, s'est intéressée à l'étude des archaïsmes et des néologismes dans la poésie matoubienne. «Quel usage pour quelle fonction ?» s'est-elle interrogée. Plusieurs autres sujets ayant trait à la thématique du colloque ont été abordés par les intervenants, comme celui portant sur la chanson populaire et engagée de Matoub traitée par le Dr Koussaila Alik du DLCA de Tizi Ouzou qui a estimé que «l'œuvre musicale de Matoub Lounès constitue un grand trésor et une richesse pour la musique populaire ‘‘ccna agherfan'' d'expression kabyle. Elle a influencé le milieu artistique à travers lequel les nouveaux chanteurs composent des chansons politiques, comme elle demeure aussi un moyen d'expression dans les mouvements politiques (notamment dans les milieux estudiantins), les manifestations culturelles et artistiques d'une façon globale». Pour le même universitaire, «Matoub a beaucoup apporté pour les modes du chaâbi (nekriz, ghrib, moual, sihli, zidan, mezmoum, sika, raml el maya). Ce genre musical qui était au départ un style particulier pour les chansons religieuses en arabe algérois, est devenu comme un nouveau style musical exceptionnellement matoubien pour la chanson engagée d'expression kabyle.»