Demain, Abdelaziz Bouteflika bouclera la première année de sa réélection pour le troisième mandat à la tête de l'Etat. Que peut-on retenir de cet exercice ? De l'avis de beaucoup d'acteurs et observateurs politiques, le pays traverse une crise des plus profondes. Vie politique plombée, libertés démocratiques brimées, situation économique gangrenée par une corruption généralisée et situation sociale des Algériens des plus chaotiques. La première année du troisième quinquennat est l'année des scandales de corruption par excellence. Bouteflika s'était fixé pourtant comme objectif « la bonne gouvernance et la lutte contre les passe-droits ». Il avait déclaré, lors de son discours d'investiture : « Il est important de poursuivre et d'intensifier la lutte contre les pratiques du favoritisme et les passe-droits, sources de frustration et de découragement, et contre la corruption dont les effets contribuent à saper gravement le sens et le goût de l'effort ! » Mais dans les faits, c'est l'exact contraire qui s'est produit. Des scandales en cascade ont ébranlé tout le fameux « programme Bouteflika ». Les projets « phares » du Président sont entachés de graves irrégularités dans leur réalisation. Ses ministres sont directement mis en cause dans des affaires de malversation. Les scandales de l'autoroute Est-ouest, celui de la pêche et l'affaire de Sonatrach ont rythmé la vie politique nationale. Bouteflika a réussi le contraire de « l'objectif » qu'il s'est fixé. Parallèlement à la corruption qui prolifère à tous les niveaux de l'Etat, la société continue de subir les foudres du pouvoir. Les multiples mouvements de contestation sociale ont touché tous les secteurs, synonymes de profond marasme social ; les contestataires ont été brimés et persécutés. En lieu et place d'apporter des réponses justes à des revendications légitimes, le pouvoir a préféré lâcher son appareil répressif contre médecins et enseignants. Les récentes révoltes des sans-logement ont mis à nu l'échec d'un des projets phares du Président, « le million de logements ». Le gouvernement ne fait plus recette Au plan politique, l'an XI du règne de Bouteflika s'illustre par la restriction des espaces de liberté et du débat contradictoire. L'interdiction de la tenue du congrès de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme est la parfaite illustration de cette fermeture. Le renforcement du pouvoir de l'administration et de l'appareil policier prend le dessus. Le chef de l'Etat, qui s'est « offert » tous les pouvoirs à la faveur de la révision de la Constitution, se fait de plus en plus rare. Lui qui aime tant occuper le devant de la scène politico-médiatique a brillé par son absence. Mis à part quelques intermittentes apparitions publiques, Bouteflika est contraint de « rester chez lui ». Souvent pour des raisons de santé, mais également « parce qu'il n'a plus rien à dire au peuple », estiment certains observateurs de la scène politique. Une situation qui paralyse, en partie, l'action gouvernementale. Cette dernière étant son « apanage », aucune initiative ne peut être entreprise sans son aval. Le gouvernement, en place depuis 1999, ne fait plus recette. Sur la scène internationale, l'Algérie perd des pans. Bouteflika, qui se targue d'avoir « redoré le blason » de l'Algérie dans le concert des nations, n'est plus ce Président tant convoité. Mais comment en est-on arrivé à cette apathie qui prend en otage le pays alors qu'il dispose d'énormes ressources humaines et financières pouvant permettre d'aller de l'avant ? Abdelaziz Rehabi, ministre au début du règne de Bouteflika, pense que « le troisième mandat, qui devait être la troisième génération des réformes, s'est avéré finalement un mandat de fermeture ». « La non-limitation des mandats présidentiels casse toute dynamique politique car la perspective d'alternance n'est plus de mise », a-t-il analysé. Ce qui explique, selon lui, l'apparition, au grand jour, des phénomènes de corruption et de passe-droits. « La corruption est un dommage collatéral d'un pouvoir familial. Bouteflika, comme tous les dictateurs africains et arabes – tels Mugabé et Moubarak – a fini par croire qu'il a un lien sacré entre lui et le peuple. Son rôle se limite à distribuer la rente pétrolière. Du coup, les institutions se trouvent hors de l'action politique », a estimé l'ancien porte-parole du gouvernement. Finalement, ce troisième mandat, né d'un viol constitutionnel, n'aura-t-il pas été qu'une fausse couche ?