La semaine dernière, ici même, à propos de l'oued Kniss d'Alger, relevant l'absence de toponymie établie du cours d'eau et de son quartier en démolition, j'émettais l'hypothèse de la présence d'une église (kanissa, en arabe). Vague réminiscence, peut-être, d'un livre sur l'attaque d'Alger en 1541, par l'empereur Charles Quint. Une scène où les soldats espagnols, désespérés et convaincus de la publicité mensongère de l'enseigne « Invincible Armada », se mettent à prier sous les vents et un déluge de pluie, avant de dresser une chapelle de fortune. Kniss, kanissa… Reconnaissez quand même que l'hypothèse n'était pas si farfelue. Les travaux sur la toponymie algérienne de Farid Benramdane, universitaire mostaganémois, ont sans doute déteint sur moi. Ce brillant spécialiste a relevé notamment que la plupart des noms de lieux en Algérie ont été puisés de l'hydrologie (oued, aïn, in, thala…), du fait de l'importance de l'eau dans notre pays. Puis, il y eut cet appel de la chanteuse andalouse Fazilet Diff, me signalant que la racine kanassa renvoie à balayer, balayage, et que, dans certaines régions, la forme knayess désigne les haillons. Hypothèse très intéressante, peut-être corroborée par la présence dans le marché à brocantes d'oued Kniss d'une friperie à ciel ouvert. En fait, le lieu fonctionnait comme un marché aux puces englobant les mobiliers, les objets et les vêtements, avant que la défunte Sonitex ne vienne populariser l'habit neuf, rendons-lui au moins cet hommage. Allez, nous lançons un concours ouvert à tous, à l'exception des personnels d'El Watan, du site oued.kniss.com et de leurs familles, ainsi que de Mehdi de la radio chaîne III. Celui qui trouvera l'origine avérée du nom Kniss se verra offrir une orgie de poissons au restaurant de Mustapha Yacef à la Pêcherie. D'un oued à l'autre, passons au mythique Rhummel de Constantine, compagnon de Massinissa, Ahmed Bey, Rédha Houhou, Kateb Yacine, Tahar Fergani et de tant d'illustres enfants de notre Cirta. Un article du Quotidien d'Oran (lundi 5 avril) a attiré mon attention. Il y est question de l'aménagement du site du Bardo, soit des berges du Rhummel, lequel a sculpté pendant de longs millénaires le rocher sur lequel se dresse la cité historique. Au fait, d'où vient le nom Rhummel ? De rimel (les sables) ? Non, ne recommençons pas. L'article, donc, annonce un projet étendu sur plus de 20 hectares et destiné à « introduire la nature au cœur de la cité » en mettant fin à « l'authentique verrue fixée dans le paysage ». Le projet, qui sera soumis à plusieurs bureaux d'études algériens et étrangers, « sera écologique ou ne sera point », rassure l'interlocuteur de notre confrère. « Un oued plein d'eau avec cet aspect tellement poétique… », rêve à haute voix l'interviewé qui n'est autre que le wali de Constantine, Abdelmalek Boudiaf. Tout cela pour vous dire que les chroniques de journaux sont aussi capricieuses que nos oueds et que là était l'information : il existe des walis — au moins un, en tout cas — pour qui la poésie n'est pas une infâme futilité. Sous le Pont suspendu passe le Rhummel. Points de suspension…