« Nous sommes unis », « Une Algérie enfin libérée », « Rendez-vous vendredi prochain », la parole et enfin libérée après cette grandiose manifestation où des milliers de citoyens ont déferlé sur la ville de toutes parts. Les maisons se sont vidées de leurs habitants, commentait le Dr Djidour, enseignant de sciences politiques qui suivait de prés la marche des Ouarglis heureux de déambuler dans leur ville, s'appropriant l'espace public, les rues, les trottoirs, les murs et les venelles. « Le bonheur de se retrouver pour une cause commune, l'Algérie » dira Badiaa, une des manifestantes présentes sur les lieux, affranchie de sa pudeur de participer à des mouvements de rue, rassurée par les jeunes qui l'entouraient. Quant à Abdellah Benazouz, le seul prof d'italien à des milliers de km à la ronde, il écrira son message en anglais « The change Is coming by the order of algerian people ». Cette nouvelle mobilisation populaire a brassé du monde, évidemment les premiers téméraires ont pris d'assaut la place emblématique de rose des sables dés la sortie des mosquées, mais la foule n'a pas tardé à se rassembler et grossir à vue d'œil. Plus que le 22 février, ce 1er mars a capté l'intérêt, a affranchi les plus hésitants, a brisé à jamais le silence de ceux qui voyaient jadis les chômeurs d'abord puis les activistes de la société civile s'égosiller semaine après semaine et encourager une mobilisation pour le développement de la wilaya. Cette manifestation qui fera date a regroupé plus de 5000 personnes selon une estimation approximative sur la place de la rose des sables, des dizaines de personnes se sont jointes aux manifestants tout au long du parcours qui les a conduits dans les artères de la ville avec des slogans acérés « L'Algérie n'est pas un royaume », « Non monsieur Ouyahia, le peuple est loin d'être heureux », « par la volonté du peuple, vous partirez », « Algérien pacifique, demande sa liberté ». Une jeunesse débordantea encadré et pris les devants de la marche dans une symbiose parfaite avec d'autres citoyens qui se sont joints au mouvement de la marche pacifique, heureux de se retrouver avec des parents, des voisins, des proches et de parfaits inconnus rencontrés dans la rue. L'implication de l'intelligentsia de la ville ne s'est pas cachée, des enseignants, universitaires chercheurs, avocats, médecins ont participé à la marche. Le bonheur n'étant pas au bout du chemin, il était le chemin tout au long de cette marche citoyenne. « Il n'y a aucune raison pour la police d'empêcher cette marche » disait un marcheur, « tout le pays est en marche vers le changement, nous voulons dire à Bouteflika basta, il faut que ça change ». Pour les banlieusards venus participer à la manif, les moyens de transport étaient certes peu nombreux mais au bout de 15mn d'attente, il était possible de héler un bus ou un taxi. Même le tramway n'a pas été caché aux Ouarglis cette fois-ci, il a continué à desservir la nouvelle ville de Hai Ennasr jusqu'au terminus du centre commercial tout proche du lieu de la manifestation avec la certitude qu'aucun dérapage n'aura lieu. Un sentiment de fierté chez des dizaines d'habitants d'El Khafdji qui déploraient les fois passées que les administrateurs du tramway arrêtent la marche normale des choses à l'occasion des manifestations pacifiques. « En état de cause, les autorités laissent faire le peuple, elles savent pertinemment que c'est pour exprimer un ras-le-bol général que nous sommes là » dira Moussa. A l'appel de la premier, après avoir fait le tour de la ville avec leurs banderoles, des centaines de personnes se sont prosternés pour accomplir la prière de l'aasser avant de se disperser en se donnant rendez-vous la semaine prochaine.