C'est inédit», lance un jeune pour décrire l'impressionnante marée humaine qui a carrément submergé, hier, la ville de Tizi Ouzou. «Oui, c'est un tsunami humain», ajoute un autre. La déferlante marche organisée dans la ville de Tizi Ouzou a effectivement drainé des centaines de milliers de personnes, qui ont battu le pavé dans un climat pacifique. Il était 13h quand les premiers carrés commençaient à se constituer devant le portail principal du campus universitaire de Hasnaoua, avant que cet endroit ne devienne noir de monde. Des grappes humaines arrivaient sans discontinuité. Il y avait de toutes les catégories de personnes. Des jeunes, des femmes, des vieilles, tous munis de l'emblème national, du drapeau amazigh ou bien de pancartes sur lesquelles sont écrits des slogans réclamant le départ du système et rejetant le 5e mandat de Bouteflika, étaient au rendez-vous avec cette action historique. Ils sont venus de toutes les localités de la wilaya de Tizi Ouzou, comme Iferhounene, Azazga, Draâ El Mizan, Boghni, Ouadhias, Tigzirt, Iboudrarene, Ouacifs, Iflissen, Timizart, Larbaâ Nath Irathen, Beni Douala, Mekla, entre autres. Au moment où la procession s'apprêtait à s'ébranler pour amorcer la montée du stade du 1er Novembre, une autre marée humaine a déferlé de l'autre sens pour rebrousser, ensuite, chemin et occuper toute la rue où se trouve le CHU Nedir Mohamed. La foule était très compacte, dans la mesure où les marcheurs avançaient lentement mettant en avant des banderoles. «Système dégage», «Non au 5e mandat de la honte», «Libérez l'Algérie», «Pour un Etat de droit», sont, entre autres, les slogans brandis par les manifestants qui scandaient, haut et fort, «Pouvoir assassin», «Imazighen», «Bouteflika et Saïd dégagez», «La population veut le départ du régime», «Voleurs, voleurs, gouvernement de la cocaïne», «Djeich, Chaâb, khawa, khawa». Entre temps, des milliers de personnes affluaient aussi pour prendre part à cette action. Les premiers marcheurs sont arrivés à la place Matoub Lounès, alors que d'autres carrés sont toujours devant l'accès principal du stade du 1er Novembre. Impossible de bouger car, la foule était vraiment compacte. Il a fallu que d'autres itinéraires soient improvisés pour permettre à la procession de suivre son parcours. Ainsi, des marcheurs ont envahi même les autres artères de la ville, tout en scandant des slogans hostiles au pouvoir. Dans la marche, nous avons remarqué la présence de plusieurs élus, des animateurs associatifs, des avocats, des enseignants, des médecins, des syndicalistes, des lycéens, des collégiens et surtout beaucoup de femmes. Même les personnes à mobilité réduite ont pris part à cette action historique. «C'est la marche de la dignité», lit-on sur une pancarte portée par un handicapé, qui a pris part à la marche sur son fauteuil roulant. Des images extrêmement émouvantes. L'autre fait remarquable dans cette manifestation de rue est l'adhésion massive des jeunes et même des adolescents à ce genre d'actions. Ils réclament tous une Algérie meilleure. «Comment pouvez-vous continuer à croire en Bouteflika qui est au pouvoir depuis 20 ans, mais il n'a même pas pensé à réaliser un hôpital pour se faire soigner dans son pays», clament des marcheurs qui ont ramené un cercueil et simulé une ambiance de funérailles. «Aujourd'hui, c'est l'enterrement du système», entonnent-ils en marquant une halte au centre- ville pour permettre à ceux qui veulent prendre des photos ou des vidéos d'immortaliser ces instants d'effervescence citoyenne. Et ce, avant qu'un membre de la coordination des associations des ayants droit de chahid de la wilaya de Tizi Ouzou ne fasse son apparition dans la foule. Il cherchait des journalistes pour leur remettre une déclaration. Celle-ci porte sur le soutien de ladite organisation à la dynamique populaire. «Notre coordination s'inscrit favorablement dans cette démarche qui refuse le 5e mandat et qui demande le départ du système avec l'arrêt de la mascarade électorale», lit-on dans le document de la même coordination. Les marcheurs ne se sont dispersés qu'à 17h, avec le sentiment d'avoir participé à une démonstration de force et à une leçon de mobilisation grandiose et pacifique.