L'avant-première du documentaire La Patrie au cœur : le théâtre de Kateb Yacine de Djillali Khellas, auteur et chroniqueur, a été étrennée, samedi soir, à la filmathèque Mohamed Zinet d'Alger. C'est un coup de chapeau. Un « hat trick ! » Trois coups de... théâtre à l'endroit d'un grand homme des tréteaux algériens. Kateb Yacine, l'auteur mythique de Nedjma, est celui qui a fait résonner les planches... de salut en démocratisant le 4e art, en recourant à un registre textuel dialectal et populaire jurant avec la langue de bois. Ainsi, Djillali Khellas, lecteur et « liseur » et, de surcroît, admirateur de Kateb Yacine, lui consacrera un autre documentaire mnémonique après Nedjma de Kateb Yacine datant de 1978. Ce film est intitulé La Patrie dans le cœur : le théâtre de Kateb Yacine, dont les réalisateur et producteur exécutifs sont respectivement Nazim Souissi et Belkacem Bellil. Il s'agit d'une production ELKA avec le support du FDATIC. « A travers ce documentaire, je voulais que nul n'oublie le théâtre de Kateb Yacine. Et que son répertoire soit repris par d'autres dramaturges. Il ne faut pas oublier que Kateb Yacine est reconnu dans le monde arabe comme le plus grand dramaturge expérimental des temps modernes... Kateb Yacine, pour moi, c'est un amour de littérature et de théâtre. Je l'ai rencontré en 1975, j'avais 23 ans. J'ai suivi le théâtre en arabe dialectal de Kateb Yacine. Ce dernier m'a beaucoup influencé. Comme Nedjma, Le Polygone étoilé. J'admire le personnage. Un homme généreux, courageux et militant. Kateb Yacine, c'est ma passion. C'est un grand révolutionnaire. Je suis passionné par son travail... », présentera Djillali Khellas, le géant Kateb Yacine. Exil intérieur Djillali Khellas est parti sur les traces du dramaturge, à Alger (Kouba où il avait une troupe), à Ténira où Kateb Yacine élira domicile (30 km au sud de Sidi Bel Abbès) et à Sidi Bel Abbès en montant les troupes El Bahr (la mer) et Affak (l'horizon). Un exil intérieur et forcé à l'ouest du pays. Car, Kateb Yacine dérangeait. Mais cet ostracisme ne le découragera guère. Au contraire ! Cela lui insufflera une volonté d'airain et une passion sans bornes qu'il partagera avec les petites gens en plantant les décors des ses tréteaux au Théâtre de Sidi Bel Abbès, dans les villages, les places, la rue... Quête et enquête initiatiques sur une belle aventure humaine d'un saltimbanque, Kateb, écrivain (en arabe) et ami... public. Le documentaire, de bonne facture, se veut pédagogique et didactique, voire une vulgarisation du théâtre de Kateb Yacine, rehaussé par les interventions d'une grande élévation intellectuelle des universitaires Benamar Mediène, Lakhdar Maougal, Azziz Boubakir, Makhlouf Boukrouh ou encore Adelhamid Bourayou. Ainsi que des témoignages émouvants des comédiens ayant officié sous sa direction, comme Fadila Assous ou Hcène Assous à Sidi Bel Abbès. Le tout ponctué par des images d'archives des pièces de Kateb Yacine — L'Homme aux sandales de caoutchouc ou La Palestine trahie —, des répliques de Mohammed, prends ta valise interprétées par ses anciens comédiens, des fac-similés, des photos avec Hô Chi Minh , le général Jiap au Viêt-nam ou son alter ego Ali Zamoum... Et puis, son intervention lors du Festival de théâtre professionnel de 1985 où il expliquait : « Ceux qui veulent toucher le peuple, ils doivent utiliser une langue populaire. Il suffit de voir le succès de Rachid Ksentini... » Un documentaire déclinant un théâtre katébien, progressiste, empli de générosité, dépouillé de fioritures et très visionnaire. Le film sera projeté prochainement dans les universités et dans les colloques. On espère qu'il sera diffusé par l'ENTV.