Fait sans précédent dans leur histoire depuis l'indépendance, des magistrats ont abandonné l'obligation de réserve à laquelle leur fonction les astreints et ont rejoint le mouvement de protestation engagé déjà par les avocats face à la candidature du Président sortant pour un cinquième mandat, à l'occasion de la présidentielle du 18 avril. Ils ont exprimé leur revendication d'un Etat de droit et une justice indépendante. Ils ont appelé à prendre part aux rassemblements de protestation prévus devant les juridictions du pays pour montrer ainsi que les magistrats, qu'ils sont du peuple et pour le peuple. Ils ont annoncé ne pas accepter de prendre part ou de diriger l'opération électorale. Ils ont inscrit sur leurs banderoles des mots d'ordre qui convergent avec ceux des manifestations de rues des autres catégories de la population et aussi des slogans spécifiques à leur profession comme l'indépendance de la justice ou la solidarité entre les juges, les avocats et les greffiers qui sont «d'une même famille». Ils appuient la revendication populaire de manifester pacifiquement et appellent au respect de la Constitution. De toute évidence, en réaction au mouvement des magistrats, le ministre de la Justice, Garde des sceaux, Tayeb Louh, cité par l'APS, a affirmé lundi à Alger qu'un pouvoir judiciaire impartial, à l'abri des tiraillements politiques, était le gage de la sécurité et de la stabilité de la nation. Dans son allocution lors de la cérémonie organisée par le ministère de la Justice, à l'occasion de la Journée de la femme, M. Louh a indiqué qu' «un pouvoir judiciaire impartial, à l'abri des tiraillements politiques et la pluralité des processus et visions constituent le gage de la sécurité et de la stabilité de la nation», insistant sur «l'importance de la préservation des acquis réalisés en termes d'instances et d'institutions, sans lesquels on ne saurait parler d'un choix démocratique, sûr et sécurisé». Le ministre a rappelé que «l'engagement des magistrats, en toutes circonstances, à se conformer à l'obligation de réserve et à s'éloigner de tout ce qui pourrait attenter à leur impartialité et à leur indépendance, sont autant de valeurs qu'ils s'étaient engagés à respecter lors de la prestation de serment». «Le magistrat doit faire preuve d'équité, de loyauté, de probité et de fidélité aux principes de la justice», a-t-il ajouté, exprimant sa conviction que le magistrat «a pleinement conscience du poids de la responsabilité qui lui incombe», d'où la nécessité de voir «cette responsabilité répondre aux principes stipulés dans les statuts et le code d'éthique de cette profession». Le pouvoir judiciaire «est conscient de sa responsabilité constitutionnelle, car constituant un pouvoir indépendant exerçant ses devoirs dans le cadre de la loi sur la base de la légalité et de l'égalité». Pour le ministre de la Justice, le peuple algérien «uni dans les épreuves, est capable de surmonter toutes les étapes sensibles et consolider les acquis réalisés, en tête desquels l'unité du pays contre toute infiltration, la préservation de la sécurité et de la stabilité, l'instauration de la quiétude et la construction d'un avenir plus prospère». De leur côté, les avocats ont repris également leur mobilisation dans de nombreuses villes à travers le pays contre le 5ème mandat pour le Président sortant et ont organisé des rassemblements devant les Cours et les palais de justice. Ils étaient des centaines du barreau d'Alger, revêtus de leurs robes noires, à se rassembler devant la Cour d'Alger, brandissant le drapeau national et ont répété des slogans popularisés lors des manifestations et ont appelé au respect de la constitution.