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« Tout reste théorique » Pr Chems Eddine Chitour. Directeur du laboratoire de valorisation des énergies fossiles. Ecole polytechnique, Alger. Ancien professeur associé, Toulouse
Le 1er Séminaire méditerranéen sur l'énergie éolienne vient d'avoir lieu en Algérie. Vous avez participé à cette rencontre scientifique internationale, nous aimerions avoir votre commentaire sur l'état des lieux de cette énergie en Algérie et les propositions des chercheurs à l'issue de ce séminaire... Le 1er Séminaire a été l'occasion, pour les chercheurs de différents pays, de confronter leurs expériences sur le développement de l'énergie éolienne dans le bassin méditerranéen. La conférence inaugurale que j'ai faite et intitulée « L'éolien et les innovations du futur » avait pour ambition de situer la place de l'énergie éolienne dans le monde, avec les formidables développements et l'accélération constatés ces dernières années avec l'arrivée en force d'un nouvel acteur du renouvelable : la Chine. En effet, ce pays a installé l'année dernière l'équivalent de 14 GW d'électricité, capacité supérieure à celle des Etats-Unis (10,5 GW) et à celle de l'Allemagne, leader européen incontesté avec 9,5 GW. En 2009, la capacité de l'éolien a augmenté de 37 GW, portant la capacité totale installée à près de 160 000 GW. J'ai aussi montré comment l'éolien devenait de plus en plus compétitif et j'ai cité des pays comme le Danemark ou l'Espagne qui investissent d'une façon significative dans l'électricité éolienne (20 et 8%). La deuxième partie de la conférence a concerné les innovations dans le domaine de l'éolien, notamment dans l'offshore, les éoliennes dans l'espace liées à des ballons et retenues au sol par un câble qui ramène l'électricité. Les éoliennes personnelles (1à 2 kWh) sont de plus en plus en vogue pour des particuliers ou pour des quartiers ou sites isolés. Peut-on connaître le niveau des recherches en matière d'énergies renouvelables en Algérie par rapport à celui des pays développés ? S'agissant de l'Algérie, de nombreuses études de recherche sont réalisées et sont au niveau de publications internationales. Le problème est qu'il y a un chaînon manquant en termes d'application, parce qu'en 2010, il faut le souligner, les secteurs ne sollicitent pas l'université. Il n'y a donc pas d'interactions capables d'impliquer l'université dans le développement. Ce qui fait que tout reste théorique, au niveau de l'université, et les secteurs préfèrent s'adresser directement à l'expertise étrangère. A titre d'exemple, l'éolien en est à ses balbutiements ; la ferme de 10 MW à Adrar est certes une réalisation qui verra le jour l'année prochaine, mais elle représentera 0,1% de la puissance du parc électrique thermique de Algérie. L'Algérie continue à utiliser les revenus de ses ressources énergétiques (pétrole, gaz) pour assurer son développement. L'option relative aux énergies « vertes » peut-elle s'avérer la solution idoine permettant à notre pays de faire des économies et préserver ses richesses pour les générations futures ? Nous n'avons pas encore, il faut le regretter, une vision claire de l'avenir des énergies renouvelables, car nous peinons à mettre en place une stratégie énergétique basée sur un modèle prévisionnel pour 2030, un « bouquet énergétique » où les énergies renouvelables prendraient graduellement la place des énergies fossiles. L'Europe a mis en place une stratégie à 27 pays avec les 3 fois 20% (20% d'économie d'énergie, 20% de diminution de l'intensité énergétique, c'est-à-dire consommer moins en consommant mieux, et enfin 20% d'énergie renouvelable). Tout cela à l'horizon 2020. Nous pouvons et nous devons faire de même, avant qu'il ne soit trop tard et que l'on se retrouve dans les années trente avec des réserves épuisées et sans relève par les énergies fossiles. La stratégie énergétique n'est pas l'affaire d'un département ministériel, c'est l'affaire de tous, le gouvernement, la société civile, les universitaires et même les écoliers - ceux qui seront les plus concernés en 2030 - à qui on inculquerait une nouvelle vision progressive du développement durable visant à former l'« écocitoyen » de demain au lieu et place de l'« égocitoyen » d'aujourd'hui.