«Il est l'un des tout premiers à s'être élevé contre le 5e mandat», nous a confié, ce mercredi, son père Abdelkader (67 ans). Tout à commencé ce 26 janvier au matin, lorsque Ghermoul a décidé d'exprimer son opinion sur le sujet de la candidature de Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. «Il était 10 h quand Ghermoul m'a demandé l'achat d'une bombe de peinture de couleur rouge. Dans son local commercial presque vide, situé au marché des fruits et légumes à Tizi, il écrit sur un carton de grand format, en langue arabe : Non au 5e mandat», raconte Kada Rezouane, activiste et ami d'enfance de Ghermoul. Les jeunes, à quelque encablures du marché des fruits et légumes, brandissant le carton, demandent à un ami de les prendre en photo avec le téléphone portable de Kada Rezouane. Sans tarder, ce dernier publie la photo sur sa page Facebook. «J'ai demandé à Ghermoul de ne pas publier la photo dans sa page Facebook. Il était en sursis pour une ancienne affaire d'outrage à un agent de l'ordre public», indique Kada. Deux jours après, «Ghermoul, qui traversait une pénible période à cause d'un problème familial, me confia sa peur d'un avenir incertain», ajoute Kada d'une voix grave. Le soir, vers 20h30, Ghermoul est arrêté par des policiers et embarqué au commissariat de Tizi. «Il avait pris quelques bières dans sa maison avant de se rendre à l'arrêt de bus à proximité de la cité de l'Indépendance où il devrait rencontrer ses amis. Interrogé par des policiers qui le surveillaiient, selon des témoignages, Ghermoul aurait eu une altercation avec eux avant d'être arrêté», continue à relater notre interlocuteur. intimidation Le communiqué de la Sûreté de wilaya qui nous a été transmis le 1er février relate : «L'attention des policiers a été attirée par un individu causant du tapage. Une fois approché, il s'est avéré qu'il se trouvait en état d'ébriété. Il a proféré des propos vulgaires à l'encontre des éléments de la police.» Et d'ajouter : «Le mis en cause a été arrêté et conduit au siège de la Sureté de daïra où une procédure judiciaire a été instruite à son encontre, une fois remis de son ébriété. Il a été présenté devant la justice qui a ordonné son placement en détention.» Des proches de Ghermoul rejettent en bloc la version des policiers. «Il a été victime d'intimidation de la part de la police visant à mettre un terme à son activité militante», témoigne son père. Agé de 37 ans, père de deux enfants et militants actif de la Coordination nationale pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), Ghermoul a été écroué le jour de sa comparution immédiate devant le tribunal de Mascara, le 29 janvier 2019. solidarité Le 7 février, comparaissant devant le tribunal de Mascara, Hadj Ghermoul est condamné à six mois de prison ferme et 300 000 DA d'amende pour les chefs d'inculpation d'«outrage à un corps constitué» et «délit d'ivresse publique». C'est son ami d'enfance Kada qui a payé l'avocat qui a plaidé pour lui. «J'ai donné 20 000 DA à l'avocat que j'ai mandaté. Je ne pouvais pas le laisser seul !», nous confie-t-il. Le verdict est tombé comme un couperet pour la famille et les amis de Hadj. «Six mois de prison ferme ! C'est beaucoup», soupire son père, qui attendait un verdict plus clément. Hadj, outré, a fait appel du jugement prononcé à son encontre en première instance par le tribunal de Mascara. Trente-quatre jours après, le 13 mars, il est devant la Cour d'appel de Mascara. La juge confirme la peine de prison et allège le montant de l'amende à 200 000 DA. Ce jour-là, tout le monde s'attendait à ce que Hadj Ghermoul soit libéré avec sursis. «Nous ne nous attendions pas à ce verdict. Sa mère, sa femme et ses deux enfants, Zakaria et Slimane, pensaient qu'il serait libre», dit son père avec déception. Quelques jours après, Hadj Ghermoul confie à son frère qu'il sera transféré vers le centre de détention de Reggane, à Adrar. «Personne ne voulait que Hadj soit transféré à Reggane. En signe de solidarité, nous avons décidé d'organiser des mouvements de protestation à Mascara», dira Kada Rezouane. Le 1er avril, de nombreux citoyens et militants de différentes organisations ont marché dans les rues de la ville de Mascara en signe de solidarité avec Hadj Gharmoul. Tout le long d'une marche entamée depuis la place Emir Abdelkader et terminée par un sit-in devant la Cour de justice, les manifestants, des proches et amis du jeune Hadj Gharmoul ainsi que de nombreux activistes, dont plusieurs venus des wilayas de Ouargla, Oran, Mostaganem et Sidi Bel Abbès, ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «Libérez Hadj Gharmoul», «Manifester n'est pas un crime» et «Le droit de manifester pacifiquement est garanti par la Constitution». Le leader de la Coordination national de défense des droits des chômeurs (CNDDC), Tahar Belabès, interrogé par nos soins, nous répond : «Notre déplacement à Mascara avait pour objectif de dénoncer la décision de transférer Hadj Gharmoul vers le centre de détention de Reggane, à Adrar. Une telle décision, qui confirme que la condamnation de notre collègue, est purement politique.»