Alors que l'Algérie vit sa seconde révolution, le Festival de cinéma de Gabès offre à son public une rétrospective du cinéaste algérien Malek Bensmaïl, connu pour son cinéma engagé. Depuis plus de 20 ans, il dessine à travers ses films les contours d'une humanité algérienne complexe. Une volonté d'enregistrer la mémoire contemporaine de son pays et faire du cinéma un enjeu de démocratie et de liberté. Cette rétrospective proposée par le festival est un hommage au cinéaste, qui élabore une filmographie importante sur son pays, en quête de démocratie et de liberté. Aliénations (1h45'-2003), est une immersion au sein de l'hôpital psychiatrique de Constantine, en hommage au père du cinéaste, figure de la psychiatrie algérienne. Le film questionne la matière à délire du pays, alors que nous sortons à peine des années sombres de la décennie sanglante. Ce film sociétal a été primé dans de nombreux festivals à travers le monde, dont le Grand Prix des Bibliothèques au cinéma du réel à Paris et le Grand Prix de la biennale du cinéma arabe. La Chine est encore loin (2010-120 min), permet de pénétrer dans une école primaire dans les Aurès, pas n'importe laquelle, celle ou enseignait le couple Monnerot, victime des premières balles de la Guerre de Libération en 1954. Malek Bensmaïl revient dans cette école, cinquante ans plus tard, et filme le quotidien des enfants, mais aussi du village. Dans sa démarche cinématographique, le cinéaste questionne la transmission, entre mythe et réalité sociale. Un film d'une force poétique et politique qui a reçu de nombreux prix, Contre-pouvoirs (2015-97min), le film est une immersion, quasiment à huis clos, dans le célèbre quotidien El Watan. Un film hommage au métier de journaliste en Algérie. La presse est le seul acquis de la révolution de 1988. Le cinéaste questionne la place du journaliste, sa parole dans la société algérienne et dans le débat politique. un film aujourd'hui d'une actualité brûlante, puisqu'il fut tourné lors de la campagne pour le 4e mandat de Bouteflika. Les prémices de ce qui se passe aujourd'hui. «Un film qui a influencé des forces fascistes et indépendantistes» Et enfin son dernier film, La Bataille d'Alger, un film dans l'Histoire (2017- 117 min) qui porte, non pas sur le «making of», mais aussi sur la genèse du film culte de Gillo Pentecorvo, La Bataille d'Alger (1965). «Ce film est avant tout plusieurs émotions. Celles de l'enfance, du cinéma… C'est un film qui m'a donné envie de faire du cinéma. Et celle de l'histoire. Le film raconte une histoire réaliste. Et comment il a nourri l'histoire. Un film qui a influencé des forces fascistes et indépendantistes. Il s'agit de rendre hommage à ce grand film et aux acteurs et figurants qui, eux-mêmes, ont été liés à l'histoire. Puisqu'ils ont été torturés et incarcérés par l'armée coloniale française…», présentera Malek Bensmaïl. Cinquante-trois ans après son tournage, Malek Bensmaïl, caméra au poing et à hauteur d'homme, est reparti sur les traces de ce grand film, un incontournable pour les cinéphiles du monde entier. Et presque sacré pour le peuple algérien. Il parle de sa cause, sa révolution, son histoire, son combat contre l'armée coloniale française. Et plus précisément, la fameuse et historique «Bataille d'Alger», en 1957, où l'armée française d'alors jouera son va-tout… en guerre. Une sorte de «solution finale», un casus belli déclaré contre une Casbah, résistante, résolue à se sacrifier. Pour démanteler la Zone autonome d'Alger échappant à son contrôle-structure de l'ALN-FLN durant la Révolution algérienne (1954-1962), créée à l'issue du Congrès de la Soummam tenu le 20 Août 1956 et concernant uniquement la capitale. Alors, le général Massu et ses troupes, les belliqueux et impressionnants «paras» (parachutistes), marcheront sur Alger, sur La Casbah. Et puis ces héros, Ali La Pointe, magistralement campé par le regretté Brahim Hadjadj, le petit Omar, Hassiba Benbouali…La Bataille d'Alger, un film dans l'histoire, de Malek Bensmaïl, une co-production entre Hikayet Films (Algérie), Ciné+, Histoire, Imago Films et Radio televisione Svizera (Suisse), Al Jazeera (Qatar), Radio-Canada et le ministère de la Culture algérien, retrace l'épopée de «La Bataille d'Alger», fait d'armes historique et film culte de Gillo Pentecorvo. Et ce, à travers une débauche d'archives inédites, des témoignages-clés de Gillo Pentecorvo, sa femme, Picci Pentecorvo, Yacef Saâdi ayant incarné son propre rôle-chef de la Zone autonome d'Alger- dans le film La Bataille d'Alger, les historiens, Mohamed Harbi et Daho Djerbal, Boudjemaâ Karèche, ancien directeur de la Cinémathèque algérienne, Franco Solinas, le scénariste du film original La Bataille d'Alger… Le film a nécessité huit mois de repérages et 110 000 m de pellicule Des éclairages, une narration entre Alger, Rome (Italie), Paris (France), New York et Philadelphie (Etats-Unis). Et où la fiction basée sur des faits réels et l'histoire se confondent. La magie de Malek Bensmaïl opère. Un documentaire très brillant, pour ne pas dire étincelant, de par la qualité de l'image et de la photographie et surtout de la fluidité dans la chronologie. Et puis, l'acteur principal n'est autre que La Casbah filmée sous toutes les coutures et vue de haut. De superbes images aériennes. Ce flash-back de Malek Bensmaïl est émaillé d'une foultitude d'anecdotes emplies d'émotion. Comme le tournage de la scène de la guillotine. La traversée du couloir de la mort et l'exécution du révolutionnaire était difficile et terrible. Tous les techniciens de l'équipe de tournage pleuraient. Ou encore la confusion entre le tournage de La Bataille d'Alger et le coup d'Etat du colonel Houari Boumédiène. Certains riverains, découvrant des chars se positionner sur les points névralgiques de la capitale, croyaient toujours au tournage de Gillo Pentecorvo. Le film a nécessité huit mois de repérages et 110 000 m de pellicule. Le film La Bataille d'Alger, récipiendaire du Lion d'or à Venise en 1966, a été censuré en France, a été un modèle anticolonial pour les pays africains et surtout pour les Black Panthers- mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine-, montré au Pentagone, recommandé comme manuel sur la guérilla urbaine notamment au Irak contre les insurgés… Il a même inspiré une… mode. Celle de l'uniforme «para» serré, près de la peau. Pour la petite histoire, lors de la promotion Battle of Algiers dans le métro new-yorkais, le slogan disait : «The Black Panthers seen it. Have you? (Les Black Panthers l'ont vu. Et vous ?). Une référence au béret et aux lunettes fumées de l'acteur Jean Martin (Général Massu). Le réalisateur, Malek Bensmaïl sera présent avec son fidèle producteur, Hachemi Zertal, à la fois pour accompagner la rétrospective, mais aussi pour participer au panel sur la production dans le cinéma arabe sous le thème «Les cinémas arabes sont-ils les reflets d'eux-mêmes ?»