L'éruption du volcan islandais qui paralyse le trafic aérien européen a mis en difficulté les compagnies aériennes. Il aura des conséquences économiques plus graves que les attentats du 11 septembre 2001, estiment l'Association internationale du transport aérien (Iata) et la Commission européenne. L'Iata a relevé ses estimations de perte de chiffre d'affaires des compagnies aériennes à 250 millions de dollars par jour contre une précédente estimation de 200 millions annoncée vendredi. Cette nouvelle prévision porte à plus d'un milliard de dollars le manque à gagner des transporteurs depuis le début de la fermeture de l'espace aérien. De son côté, l'Association européenne des compagnies aériennes (AEA) a estimé que plusieurs compagnies pourraient ne pas survivre à une suspension du trafic comprise entre 5 et 10 jours. Le patron d'Air France, Pierre-Henri Gourgeon, est sorti de sa réserve hier. Selon lui, « la gestion du risque créé par le volcan islandais ne peut plus continuer sur les mêmes bases. En l'absence de données précises sur la densité des particules éventuelles et en l'absence d'expériences suffisantes pour en déduire les risques pour les moteurs, Air France cherche une approche pragmatique basée sur des vols d'évaluation ». Et de compléter : « L'objectif, commun à plusieurs compagnies et pays européens, est de valider par de nombreux vols et inspections à l'arrivée, l'absence de risques sur des routes qui permettraient une reprise progressive du trafic. » Selon lui, plusieurs vols d'avions moyens et long-courriers, sans passagers commerciaux, sont en cours – 7 sont déjà lancés en France – et devraient permettre de valider des corridors vers le sud, vers Amsterdam et d'autres directions. Plusieurs dizaines de vols ont été effectués en Europe et sur 100% de ces vols, « aucune anomalie n'a été rapportée ». L'urgence est totale. Des millions de passagers sont bloqués dans le monde entier. En quelques jours, plus de 60 000 vols ont été annulés en Europe. Le transport aérien européen, totalement arrêté, perd 150 millions d'euros par jour et nous en sommes au 5e jour. Air France-KLM en représente le quart, soit 35 millions d'euros. 500 000 emplois directs, et trois fois plus d'emplois indirects, sont de fait à la veille d'un chômage technique total. A l'exception notable de touristes pressés de rentrer chez eux, plusieurs voyageurs ont opté pour d'autres moyens de transport. Selon Eurocontrol, l'organisation intergouvernementale européenne en charge de la navigation aérienne civile, seuls 30% des vols auront été assurés lundi en Europe soit quelque 8000 à 9000 vols contre 28 000 en période normale. Air France Algérie a fait savoir dans un communiqué de presse qu'un Boeing A321 assurera aujourd'hui la liaison Alger-Marseille avec une capacité de 12 sièges en classe premium et 194 sièges en classe voyageur (économique). Les clients dont le vol a été annulé pourront reporter leur voyage en fonction des disponibilités ou demander le remboursement de leurs billets. Munie d'une autorisation de la DGAC, la compagnie Aigle Azur a effectué dimanche dernier à 19h un vol de contrôle d'une heure et quart afin d'évaluer l'impact du nuage de cendres volcaniques sur le trafic aérien. Aigle Azur a assuré ce vol à vide avec un Airbus A319, sa toute dernière acquisition. Cet appareil neuf est équipé de moteurs CFM 56 et configuré bi-classes. Quatrième avion de ce type, il a rejoint en avril 2010 la flotte d'Aigle Azur composée de onze appareils de la famille Airbus A320. L'Airbus d'Aigle Azur a décollé à 19h de l'aéroport d'Orly pour se diriger vers celui de Mulhouse puis redescendre vers Lyon avant de regagner Orly, pour un temps de vol d'une heure et quart. Le dirigeant-responsable de la compagnie Aigle Azur, François Hersen, a pris place à bord de l'appareil en plus du chef pilote et d'un copilote : « Nous avons fait en sorte de vérifier les pires conditions, à des niveaux où l'on pensait qu'il pouvait y avoir des concentrations de poussières », explique M. Hersen. Mais « nous n'avons rien remarqué de visible et le vol s'est déroulé parfaitement ». « Aigle Azur participe ainsi à une série de vols de contrôle pour évaluer les risques liés à la dissémination de cendres volcaniques dans le ciel européen », déclare Meziane Idjerouidène, directeur général de la compagnie aérienne. Et d'ajouter que « l'ensemble des données techniques collectées à l'issue de ce vol d'intérêt général est partagé avec la communauté scientifique et aéronautique européenne, la DGAC, ainsi que les équipes d'Airbus et d'Aigle Azur ». Les autres perdants de cette situation sont les aéroports. En Europe, ils enregistrent une perte de 136 millions d'euros, selon l'Association des aéroports internationaux (ACI). Le tourisme aussi. La Grèce va perdre des devises du fait de la panne du ciel. Certains tour-opérateurs remboursent des voyages, les hôtels acceptent les annulations. Les gagnants sont les loueurs de voitures, le rail et les ferries. La présidence espagnole de l'Union européenne (UE) a annoncé la réouverture progressive et coordonnée du trafic dans une partie de l'espace aérien à partir d'aujourd'hui, à l'issue d'une réunion par téléconférence des ministres européens des Transports. Il est notamment prévu de réduire les zones actuelles d'interdiction de vol, en autorisant les compagnies à opérer dans les zones faiblement contaminées par les cendres crachées par le volcan islandais Eyjafjöll.