Synthèse de Samir Azzoug Cinq jours après l'éruption du volcan islandais Eyjafjoll, l'Association internationale du transport aérien (IATA) critique sévèrement la gestion de son secteur par l'Union européenne. Les cendres volcaniques ayant traversé la grande majorité des pays européens, elle a procédé à la fermeture des espaces aériens. Les pertes enregistrées par certaines compagnies sont importantes. Le déroutement des avions sur les aéroports ouverts, le logement des passagers ou des équipages bloqués et l'entretien des avions loin de leurs bases, ainsi que l'immobilisation d'autres, ont occasionné un manque à gagner estimé par l'IATA à plus de 200 millions de dollars (148 millions d'euros) par jour. 35 millions d'euros de pertes quotidiennes sont annoncées par Air France-KLM, 17 à 26 millions pour British Airways et 5 à 9 millions pour la compagnie SAS. Ce qui a eu une incidence directe sur le cours de ces compagnies dans les Bourses mondiales, leurs titres ayant connu des régressions d'une moyenne de 4 à 5%. «L'ampleur de cette crise est désormais plus importante que le 11 septembre [2001, attaque contre le World Trade Center]» a déclaré hier Giovani Bisignani. Un véritable gouffre financier s'est ouvert. Le directeur de l'association, qui représente 230 compagnies aériennes dans le monde, va encore plus loin en accusant l'UE d'excès de zèle face au nuage de cendres. «C'est un embarras pour l'Europe et c'est une pagaille européenne», s'est-il indigné contre cet excès de précaution imposé par l'instance européenne. Certains médias étrangers sont allés jusqu'à comparer la panique créée par la décision d'annulation des vols pour des raisons de sécurité aux campagnes vivement engagées et qui se sont avérées alarmistes de la grippe A(H1N1) ou sur le danger des produits OGM. «Les Européens utilisent encore un système basé sur un modèle théorique, au lieu de prendre une décision basée sur des faits et une étude du risque», a-t-il estimé. «La décision [de fermer les espaces aériens] doit être basée sur des faits et soutenue par une étude du risque», a-t-il ajouté. Remontés contre les décideurs de l'Union européenne, et face aux pertes sèches qui pourraient mettre en difficulté plusieurs compagnies aériennes si les mesures imposées durent, les membres de l'IATA appellent à une ouverture de certains couloirs aériens et sollicitent des aides publiques pour pallier les pertes induites par la crise, comme ce fut le cas lors du précédent historique du 11 septembre 2001. La puissance du lobby aérien n'étant plus à prouver, les gouvernements et les décideurs de l'UE n'ont pas tardé pour répondre. La présidence espagnole de l'Union européenne (UE) a déclaré hier que les ministres européens ne partageaient «pas les critiques des compagnies» aériennes à la suite des restrictions de vols, affirmant que la «sécurité est primordiale»”. D'abord, en rejetant les griefs : «Je ne pense pas que nous prenions trop de précaution : nous appliquons une méthode réglementaire mais avant tout sécuritaire», a fait valoir hier le patron de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), Patrick Gandil, dans un quotidien français. Ensuite, en affirmant que toute décision de réouverture du trafic aérien européen sera conditionnée par «la sécurité» des passagers, a indiqué la présidence tournante espagnole de l'UE avant une visioconférence des ministres européens des Transports. Pour rassurer les compagnies aériennes, le commissaire à La Concurrence de l'UE, Joaquin Almunia, déclare que «l'Union est prête à envisager un dispositif comme celui que nous avons adopté après les attentats du 11 septembre». La Commission européenne s'est engagée hier à autoriser ses pays membres à venir en aide aux compagnies aériennes affectées par le nuage de cendres volcaniques. «Si les Etats membres décident de soutenir [le secteur] par des aides publiques et selon les conditions définies pour que les aides publiques ne soient pas discriminatoires, nous sommes prêts à les envisager dans un cadre semblable à celui mis en place après le 11 septembre», a déclaré Joaquin Almunia. Hier, plusieurs compagnies ont tenté le coup en improvisant des vols non commerciaux, effectués sans aucun problème. L'Organisation européenne pour la sécurité européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol) annonçait hier matin que 30% des vols prévus dans la journée allaient être assurés, soit 8 000 à 9 000 sur plus de 28 000. S. A. UE : réouverture «progressive» et partielle aujourd'hui du trafic aérien La présidence espagnole de l'Union européenne (UE) a annoncé hier la réouverture progressive et coordonnée du trafic dans une partie de l'espace aérien à partir d'aujourd'hui à 07h00, à l'issue d'une réunion par téléconférence des ministres européens des Transports. Les ministres européens ont décidé «de l'ouverture progressive et contrôlée de l'espace aérien européen», a déclaré le ministre espagnol des Transports, José Blanco, en conférence de presse. Cette reprise partielle du trafic entrera en vigueur «mardi [aujourd'hui] à partir de 07h00», a indiqué le ministre, dont le pays assure la présidence semestrielle tournante de l'UE. Les ministres européens ont décidé d'établir trois zones géographiques : l'une proche du centre des émissions de cendres du volcan islandais, dans laquelle les restrictions aux trafic demeureront «absolues», une seconde où le trafic «serait» sans danger et qui doit fixer définitivement «dans les prochaines heures», et une troisième «ne nécessitant aucune restriction d'aucun type», a expliqué M. Blanco sans plus de précisions. «Nous avons dit clairement que la sécurité est une priorité absolue» et «cette préoccupation dictera les décisions à prendre dans les prochains jours», a-t-il souligné.