Le Qatar est, depuis samedi, la nouvelle cible du terrorisme. Le petit émirat, patrie d'El Djazira, la chaîne de télévision qui a servi de base de propagande pour les mouvements terroristes, subit lui aussi ce déchaînement de violence, croyant certainement que cela n'arrivait qu'aux autres. C'est là, en fin de compte, la position de nombreux pays arabes, jusqu'à cette cruelle désillusion. En dépit du fait que l'Algérie a fait face à une décennie de terreur et de sang, une bonne partie des pays arabes n'a été secoué par le phénomène du terrorisme qu'après les attentats du 11 septembre 2001. Pendant des années, ces pays ont aidé financièrement et idéologiquement les réseaux de l'internationale islamiste porteurs du concept de « djihad armé », slogan des talibans et des vétérans de la guerre contre l'armée soviétique en Afghanistan. Exporté vers l'Algérie, ce concept a causé la mort de dizaines de milliers d'Algériens et occasionné des dégâts incommensurables à l'économie du pays. Pendant ce temps, les idéologues du « djihad » armé, auxquels se réfèrent les groupes islamistes, se sont murés dans un silence complice, refusant toute déclaration allant dans le sens de la condamnation des actes barbares commis au nom de l'Islam. Plus grave, certains pays ont été très permissifs à l'égard des filières intégristes allant jusqu'à fermer l'œil sur la multiplication de camps d'entraînement, de bases arrière et de réseaux de collecte de fonds et de trafic d'armes à destination de l'Algérie. Les tueries sont, pour certains dirigeants arabes, une « guerre menée par les franco-laïques contre les Arabo-musulmans ». D'autres voyaient dans le terrorisme un moyen d'affaiblir l'Algérie. Ce n'est qu'en 1998 que les pays arabes, après insistance de l'Algérie et de la Tunisie, ont adopté une convention sur la lutte contre le terrorisme, mais celle-ci est restée lettre morte puisque bon nombre d'Etats signataires ont poursuivi leur politique de soutien aux islamistes. Il aura fallu les attentats du 11 septembre 2001 pour que les régimes arabes réagissent. Mais c'était trop tard et même trop peu puisque la machine infernale était déjà lancée. Des attentats sont alors commis dans l'Arabie Saoudite, patrie du wahhabisme, que les stratèges américains ont ouvertement désigné comme idéologie extrémiste, au Maroc, au Koweït, en Egypte, au Yémen et en Tunisie. Une nouvelle situation qui a poussé les gouvernements arabes à coordonner leurs efforts pour qualifier le terrorisme, qui n'est plus attribué à des « égarés », et combattre les organisations intégristes. L'on a même vu l'Arabie Saoudite réunir une conférence internationale sur le terrorisme, avec la participation d'une quarantaine de pays, et proposer ensuite la création d'un centre de lutte contre ce fléau, une proposition mal accueillie notamment par les Etats-Unis et l'Allemagne. Toutefois, les premiers coups de filet des services de police se sont traduits par des prises assez importantes et ont conduit à l'amendement de la convention arabe de lutte contre le terrorisme en 2003 pour introduire le principe de lutte contre la criminalité transnationale et le blanchiment d'argent. Les différentes rencontres des ministres arabes de l'Intérieur se sont, à chaque fois, terminées en queue de poisson. L'exception a été relevée en 2004, lorsque ce conseil s'est entendu sur la nécessité de « faire face » aux ONG activant dans le domaine des droits de l'homme arguant qu'elles « font l'apologie du terrorisme ». Si sur le plan de la lutte contre le terrorisme, l'Algérie est arrivée à la sortie du tunnel, en matière de lutte contre la criminalité, elle reste confrontée à la réticence de nombreux pays arabes à coopérer. Certaines monarchies du Golfe refusent à ce jour de signer des conventions judiciaires bilatérales, permettant l'extradition d'Algériens recherchés dans le cadre des affaires économiques. De nombreux mandats d'arrêt lancés à l'encontre d'hommes d'affaires algériens installés, notamment, à Dubaï n'ont pu être exécutés par les autorités de ces pays pour des raisons beaucoup plus politiques que judiciaires. Ce constat amère reflète les relations assez tumultueuses qu'entretient l'Algérie avec ces pays.