Sortant habituellement tous les mardis, les étudiants ont décidé d'occuper la rue «jusqu'au départ du régime». Des centaines d'étudiants d'Alger sont sortis dans la rue, hier, pour exiger le départ du régime. Contraints par les policiers antiémeute d'évacuer la place Khemisti, les manifestants finiront par se regrouper sur la placette faisant face à la Grande-Poste aux cris de «Yalil 3ar polici wella haggar» (Quelle honte ! Le policier est devenu un oppresseur). Sortant habituellement tous les mardis, les étudiants ont décidé d'occuper la rue «jusqu'au départ du régime». La décision surprise de se rassembler au centre d'Alger a été prise par des étudiants de l'université des sciences et de technologie Houari Boumediène (USTHB), auxquels se sont joints leurs camarades d'Alger 3 (Dély Ibrahim). «Nous, étudiants libres de l'USTHB, nous nous sommes entendu la semaine dernière pour occuper la rue durant tous les jours de la semaine. Notre action, discutée sur notre page Facebook, a pour objectif de durcir la pression sur les autorités. En raison de l'hésitation des camarades, nous sommes sortis dimanche dernier à l'intérieur de notre faculté. Lundi, nous avons préparé les banderoles pour la marche du mardi. Le mercredi, nous avons préparé une immense banderole de 35 mètres sur laquelle nous avons écrit : ‘‘Unité du peuple, djaïch, chaâb khaoua, khaoua'' (Peuple, armée, tous frères). Sur ce point, je précise que je parle de l'armée et pas du haut commandement, et pas de Gaïd Salah, qui doit lui aussi partir», tranche Laïd, étudiant en génie des procédés de l'USTHB de Bab Ezzouar. Prenant de court les policiers, qui les avaient encerclés, les étudiants, regroupés à la Grande-Poste, ont décidé de marcher vers la fac centrale. «Ne pas finir la révolution…» Une banderole déployée en tête de la procession appelle à persévérer : «Celui qui fait une demi-révolution est comme celui qui creuse sa tombe de ses mains». Une autre affiche exprime la même crainte : «Ne pas finir notre révolution est plus dangereux que de ne l'avoir jamais commencée». Les marcheurs, rejoints par des citoyens, scanderont à tue-tête les mêmes mots d'ordre sortis lors des dernières manifestations : «Viva l'Algérie, yatnahaw ga3» (Qu'ils partent tous !), «Makach chourba, makach lham lahlou, hata tarahlou» (Pas de chorba, pas de viande sucrée, jusqu'à votre départ)… Les étudiants ont fait un clin d'œil à l'actualité immédiate : «Justice de transition indépendante, non à une justice sélective». Le chef d'état-major de l'armée et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, en a eu également pour son grade. «Sorry, sorry Gaïd Salah, cha3b machi djaiah, goulna yatnahaw ga3» (Sorry, sorry Gaïd Salah, le peuple n'est pas dupe et on a dit : qu'ils partent tous), entonneront les étudiants, sous le regard amusé de nombreux piétons qui ont sorti leurs smartphones. Les «hirakiens» en herbe, qui ont démontré leur forte détermination à accompagner le mouvement populaire, insisteront sur le caractère pacifique de leur action. «Le pacifisme, seule arme des étudiants pour atteindre leurs objectifs», lit-on sur une banderole. La proposition de sortir tous les jours de la semaine est en discussion sur les pages Facebook, alors que dans plusieurs facultés, les examens sont en préparation (14 mai). «La semaine prochaine, on sortira tous les jours. On doit se concerter avec toutes les autres universités. Mais, je dois juste dire que certaines facultés, du moins à Alger, ont été obligées de reprendre les cours en prévision des examens sur instruction du ministère de l'Enseignement supérieur, la date étant fixée pour le 14 mai», signale cet étudiant de l'USTHB, où la grève générale est scrupuleusement suivie. La plupart des autres facultés algéroises, nous précise-t-on, ont repris les cours, à l'instar de celle de droit (Saïd Hamdine), l'ITFC, la faculté Benyoucef Benkhedda. «Les étudiants de ces facultés ont suivi des cours. Ils passeront logiquement les examens. Nous ne ferons de reproche à personne. Moi, j'ai une soutenance cette année, j'ai fait mon stage et mon rapport, mais je n'ai même pas vu mon encadreur», souligne Laïd. Les étudiants restent déterminés, malgré l'hostilité de l'administration, de certains enseignants ou même de leurs camarades. Pour eux, le hirak doit se poursuivre, même durant le mois de Ramadhan. «Koulyoum massira hata tarahlou» (Chaque jour une marche jusqu'à votre départ), scandaient-ils unanimes. – Les syndicats autonomes rencontreront des personnalités politiques Les syndicats autonomes veulent faire jonction avec les partis et les personnalités politiques. A l'issue de sa réunion tenue samedi, la Confédération des syndicats autonomes (CSA) a décidé de tenir une réunion préliminaire samedi prochain (11 mai) afin de préparer la rencontre au siège national du Cnapeste, signale dans une déclaration à El Watan le président du Satef, Boualem Amoura. «Il y aura samedi une réunion de consultation pour aller vers une rencontre nationale devant toucher, dans une première étape, la société civile (organisations et syndicats) avant d'être élargie aux partis politiques et personnalités nationales. Il y aura une discussion sur une offre de sortie de crise», détaille Amoura. Le CSA a organisé une marche le 1er mai, à l'occasion de la Journée internationale des travailleurs. La police a réprimé la manifestation. Compte tenu de la période des examens, les syndicats autonomes ne devraient pas appeler à une autre action de rue. N. I.