Ils étaient des milliers de manifestants à braver la faim, la soif et la chaleur dans les rues de la capitale, pour exprimer, pour la 12e fois de suite, leur rejet du «système». Cette fois-ci, et au vu des derniers développements qu'a connus la scène politique nationale, c'est le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, qui a été particulièrement ciblé, comme ce fut le cas d'ailleurs, mais dans une moindre mesure, vendredi passé. Les Algériens ont également réaffirmé leur position de rejet du processus électoral en cours. Ainsi, le slogan qui a été le plus scandé hier était «Dawla madania, machi askaria» (Etat civil et non militaire). Le scénario égyptien est dans les esprits de beaucoup d'Algériens. D'ailleurs, certains d'entre eux ont scandés également «Chaab la yourid masrahia misria» (Le peuple ne veut pas une pièce théâtrale égyptienne). A cet effet, manifestants et politiques tiennent à exprimer leur inquiétude concernant certains aspects liés aux positions de l'institution militaire vis-à-vis du hirak, comme le fait que le chef d'état-major de l'ANP s'en tient toujours à la «voie constitutionnelle», c'est-à-dire un processus mené par le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, débouchant sur la présidentielle du 4 juillet prochain, et les arrestations de certaines personnalités, poursuivies notamment par le tribunal militaire. «Gaïd Salah dégage», ont également scandés les manifestants, comme pour signifier d'une manière franche et directe leur mécontentement vis-à-vis de l'attitude du vice-ministre de la Défense nationale. En plus des slogans scandés, des citoyens se sont exprimés via des pancartes ou banderoles qu'ils ont brandies. Une grande affiche, accrochée sur la façade de la Grande-Poste, a particulièrement déplu aux autorités. «Vous partirez, veut dire vous partirez. Pas de dialogue avec vous. Pas de tutelle sur la volonté du peuple. C'est le peuple qui décide. L'armée est la nôtre et Gaïd est contre la volonté du peuple», lit-on sur cette grande banderole, sur laquelle il y avait également des photos de quelques responsables, comme Bensalah, Bedoui ou même le nouveau premier responsable du FLN, Mohamed Djemai. Des policiers avaient tenté à maintes reprises de l'enlever, en vain. La détermination des manifestants les en a finalement dissuadés. Vendredi dernier aussi, des policiers avaient «saisis» des pancartes sur lesquelles étaient inscrits des slogans contre Gaïd Salah. Mais globalement, cela n'a eu aucune incidence sur les manifestations. Bien évidemment, les contestataires se sont également prononcés, d'une manière claire, contre l'élection présidentielle du 4 juillet prochain. «Makanch Intikhabat ya issabat» (Pas d'élections, bandits), ont-ils scandés. Pour la majorité des Algériens, comme c'est le cas pour ce qui est de la classe politique de l'opposition, il n'est nullement question de s'engager dans un processus électoral mené par des figures du régime bouteflikien, en l'occurrence le chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, et le Premier ministre, Nourredine Bedoui. Ce dernier a été pendant longtemps, sous la présidence de Abdelaziz Bouteflika, ministre de l'Intérieur. Pour l'instant, et malgré ce refus de la population, les autorités s'en tiennent à cette élection présidentielle, même si techniquement les chances de sa tenue s'avèrent extrêmement minces. Ainsi, tout en rejetant ce processus électoral, les Algériens ont lancé, hier, un avertissement contre toute velléité d'aller vers un scénario «à l'égyptienne», c'est-à-dire la prise du pouvoir par l'armée.