Celle là, personne ne l'attendait en fait. Le gouvernement a décidé de lever l'interdiction sur l'importation des véhicules d'occasion. Le ministre du Commerce, Saïd Djellab, l'a annoncé, il y a trois jours, avec beaucoup d'entrain. «Je suis chargé, avec mon collègue des Finances, d'examiner la question des véhicules d'occasion. On a démarré avec les véhicules moins de trois ans.» Son argumentaire est des plus cocasses. Selon lui, «l'un des objectifs de l'importation des véhicules d'occasion (moins de 3 ans, ndlr) est de faire pression sur les prix des véhicules fabriqués localement. Cela devrait être un facteur externe favorisant la baisse des prix, pour permettre de donner une chance au citoyen d'acquérir un véhicule selon ses moyens». En fait, beaucoup de questions sont suscitées par la décision du gouvernement et surtout l'argumentaire du ministre du Commerce. Le véhicule de moins de trois ans importé est-il réellement moins cher que les véhicules neufs vendus en Algérie ? Pas aussi sûr que cela, disent des experts, pour qui une voiture achetée en euros, dont le prix est calculé selon le taux du marché parallèle du change, en lui ajoutant les taxes douanières, reviendra au même sinon plus cher que les véhicules montés en Algérie. Selon des économistes qui se sont exprimés sur la question, pour que les prix baissent, il faudrait revoir l'âge du véhicule jusqu'à moins de 5 ans ou plus. Mais là, le risque est autre. Pour les experts de l'industrie de l'automobile, le pays deviendra à la longue la poubelle de l'Europe où l'industrie de l'automobile est en train de passer à l'énergie propre qui est l'électricité. Le marché de l'automobile en Algérie est immense. Dans un contexte sans crise, dit une source au fait du secteur, son volume peut varier de 500 000 à 600 000 véhicules. Il est susceptible d'aller même au-delà à l'avenir. Actuellement, environ 300 000 voitures, toutes marques confondues, sont montées en Algérie. Ce qui est loin de satisfaire les besoins nationaux. L'intérêt des constructeurs automobiles est motivé par cette attractivité du marché algérien qui peut constituer aussi une véritable plateforme vers d'autres marchés dans la région. Il est vrai que même si on admet théoriquement que la levée de l'interdiction d'importation des véhicules moins de trois ans peut aider les citoyens à avoir accès à une voiture moins chère, que fera le gouvernement avec les différents projets dans l'industrie de l'automobile lancés grâce aux banques publiques ? Des connaisseurs du secteur de l'automobile affirment que la décision que s'apprête à concrétiser le ministère du Commerce avec celui des Finances serait tout simplement une remise en cause de la politique suivie par le pays ces dernières années, qui est de faire de l'industrie de l'automobile un important segment du développement économique. Les usines de montage, soutient notre source, seront dans quelque temps dans l'oblgation de réduire leur production, faute de demande et, de ce fait, diminuer même les emplois. Ce sont là des conséquences que produira inévitablement la décision du gouvernement sur le secteur de l'automobile en Algérie. Sans ajouter bien évidemment l'effet de l'autre annonce de Saïd Djellab : passer à la politique des quotas pour les kits SKD pour réduire, dit-il, la facture de l'importation qui a atteint, en 2018, 4 milliards de dollars, dont un milliard en pièces de rechange. N'y aurait-il pas une autre manière de pousser à la réduction des prix des véhicules jugés exorbitants ? Si le gouvernement vise à les réduire, a-t-il calculé les effets de son annonce sur le taux de change, le marché parallèle, les projets balbutiants mis en place à coup de milliards ? A-t-il enfin calculé les conséquences de sa gestion du secteur sur les relations de partenariat avec les étrangers qu'il a mis longtemps à convaincre à venir ?