Sous un soleil de plomb, par 38°, ils étaient encore là, en plein mois de Ramadhan, le long de la façade de l'APC, à Sidi Abbaz, pour se protéger des dards du soleil, répétant inlassablement des slogans contre «la volonté du maire de leur commune de procéder à la démolition des constructions qu'ils ont érigées, depuis 2011, sur le plateau d'Agherm Imekraz». Déployant l'emblème national et brandissant des affiches sur lesquelles on pouvait notamment lire «Où est notre droit au logement ? Nous n'avons pas bénéficié depuis 20 ans», «A bas le maire de Bounoura» et «Imekrez, ligne rouge», un groupe d'une trentaine de citoyens de ce ksar, représentant les 792 citoyens qui ont construit sur les lots du premier plan et les 1276 autres sur ceux du deuxième plan, organisent quotidiennement un sit-in devant l'entrée principale de l'APC, dont les deux ventaux de la grille d'entrée sont grands ouverts, ne gênant aucunement le passage par lequel les citoyens vaquent normalement sans aucune entrave. Mais, indubitablement, celui qui attire l'attention est ce vieil homme en tenue traditionnelle, drapé de l'emblème national, coiffé d'un chapeau de paille, seul, debout sur le bord de la RN1, qui longe une des façades de la mairie, tendant stoïquement une pancarte sur laquelle est inscrit en arabe : «La commune de Bounoura est gérée par une bande constituée d'individus l'exploitant pour leurs intérêts personnels.» Nous voyant le prendre en photo, il s'insurge : «Je ne sais pas si pour ce genre de responsable on est des citoyens ou pas.» Il ajoute : «Personne ne nous écoute ni même ne répond à nos courriers.» Puis il nous surprend en affirmant : «Dites-vous bien que j'ai écrit en 2001 à Monsieur Jacques Chirac, alors président de la république française et il m'a répondu par une lettre manuscrite et signée de sa main que j'ai reçu 16 jours plus tard. Lettre que je possède encore chez moi et que je vous invite à venir la voir. Et pourtant je ne suis pas citoyen français mais bel et bien Algérien. Mais ici, chez moi, dans mon pays, personne ne me répond, que dois-je en déduire ? » Pour en revenir au problème en question, selon Doudou Mohamed Ben Omar, l'un des protestataires rencontré devant le siège de l'APC de Bounoura, à Sidi Abbaz, «il y a deux mois environ, nous avons été reçus à quatre par Fodil Laïdaoui, le chef de cabinet du wali de Ghardaïa, auquel nous avons exposé notre problème avec plans à l'appui. Nous lui avons présenté deux plans distincts, élaborés en 2011 par un bureau d'études, l'un pour le périmètre des 792 lots et l'autre pour le périmètre des 1276 lots à bâtir. En lui avouant notre inquiétude sur une volonté du président de l'APC de Bounoura de procéder à la démolition de nos constructions qui nous ont coûté toutes nos économies et même, pour quelques-uns d'entre nous, des dettes, nous avons été tranquillisés qu'il n'y avait aucune décision prise en ce sens et que de toute manière ce périmètre d'Agherm Imekraz n'est pas concerné par une quelconque opération de démolition.» Reprenant son souffle, il précise : «Depuis 1997, aucun lot ni logement n'a été attribué à notre ksar. Aujourd'hui enfin, 22 ans après, 737 lots à bâtir vont être attribués sur le périmètre d'Agherm Imekraz. Et pour afficher notre pleine adhésion à cette attribution sur le site en question, nous avons décidé de remettre à disposition des autorités le lot du deuxième plan, à savoir celui des 1276 lots. Mais semble-t-il, le maire n'est pas satisfait, il veut l'ensemble des deux lots et cela est impossible car nous avons déjà construit des logements, fondé des foyers, fait des enfants et contracté des dettes… Voyez-vous, il nous est donc impossible d'abandonner nos maisons si chèrement acquises. Nous en expulser reviendrait à détruire des centaines de foyers. Est-ce logique ?» Et de conclure : «Nous demandons au wali de Ghardaïa d'intervenir pour régler radicalement ce problème.»