Avant que les derniers témoins de la tragédie n'aient disparu, Abed Abidat est parti à Sétif et dans d'autres villes du Constantinois pour un reportage photos sur les massacres du 8 Mai 1945. Son travail fait l'objet d'un beau livre édité chez les Marseillais Images Plurielles. L'idée de réaliser un livre sur les massacres du 8 Mai 1945 remonte à 2003. Vous avez donc mûri votre travail depuis un moment… L'idée remonte à l'époque où je travaillais sur mon livre Chibanis, chibanias, portraits d'une génération sans histoire ? J'ai rencontré des témoins de cet événement et des questionnements sont nés à ce moment-là. Sur cette histoire entre la France et l'Algérie, la mémoire, etc. La réflexion a pris du temps. Ce n'est qu'en 2007 que j'ai su que j'irai jusqu'au bout du projet. Après, la démarche est simple : je vais sur le terrain à la rencontre des gens. Il a fallu prendre des contacts, organiser les voyages, réaliser les prises de vue, travail suivi par la chaîne graphique, l'édition et la recherche de financements. Parmi vos photos, vous faites la part belle aux portraits… Des portraits qui s'accompagnent de témoignages. Car quand je rencontre les gens, je leur demande de me raconter leur histoire personnelle, avec leurs mots. Ce sont des moments très forts. Ils sont ensuite traduits et synthétisés. J'ai essayé d'aller à la rencontre d'anciens colons, miliciens ou civils français qui se trouvaient là. Mais personne n'a voulu témoigner. Et Jean-Louis Planche est le seul historien à avoir répondu présent pour travailler sur l'aspect historique du livre. Mais il y a aussi des photos d'objets, comme ce vélo dans un champ de Guelma, de paysages comme les gorges de Kherrata… Je voulais aussi, à travers les lieux des drames, photographier l'Algérie du quotidien, les enfants, les scènes de marché, des gens au travail… Pour qu'un parallèle puisse être fait entre l'histoire des témoins et l'Algérie d'aujourd'hui. Mon intention – et celle du reportage photos – étant de laisser libre cours à l'interprétation. Votre livre est vendu pour l'instant en France, où on ne connaît que très peu les événements du 8 Mai 45, éclipsés par la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie. C'est vrai ! Quand je parlais de ces événements autour de moi, quasiment personne n'avait entendu parler des massacres du Constantinois. C'est la raison pour laquelle ce travail est aussi destiné à être partagé avec les élèves et les historiens. Les photos seront aussi exposées le 8 mai à l'espace franco-algérien de Marseille.