Les travaux du 17e Sommet ordinaire de la Ligue des Etats arabes s'ouvrent aujourd'hui à Alger. C'est la troisième fois que l'Algérie accueille une conférence des chefs des Etats membres de l'organisation panarabe. La capitale algérienne a abrité « son premier sommet » les 26 et 28 novembre 1973, à l'occasion des travaux de la 6e conférence de la Ligue arabe. Ce rendez-vous, qualifié d'historique, s'est tenu au lendemain de la guerre d'octobre dite « guerre du Kippour ». Les pays arabes y ont défini pour la première fois des conditions de paix relatives au retrait d'Israël de tous les territoires occupés, après avoir prouvé combien le recours à l'arme du pétrole a été décisif dans leurs efforts pour faire valoir leurs droits. Quinze années plus tard, soit les 7 et 9 juin 1988, Alger reçoit une seconde fois les leaders arabes dans le cadre des travaux du 3e sommet arabe extraordinaire. La Ligue arabe a réclamé, à cette occasion, l'organisation d'une conférence internationale sur le Proche-Orient avec la participation de l'Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) et réaffirmé le droit des Palestiniens à un Etat. A l'instar des précédentes « haltes » algériennes de la Ligue arabe, ce 17e sommet apparaît comme une étape décisive pour la redynamisation de l'action arabe. La particularité du sommet d'Alger tient au fait que les dirigeants débattront, pour la première fois en soixante ans, d'un ambitieux projet de réformes destiné à concilier leur organisation avec les impératifs d'un fonctionnement démocratique. Confronté à de multiples résistances, mais néanmoins âprement défendu par des pays comme le Maroc, la Palestine et l'Algérie, ce projet de réformes préconise, notamment, une profonde révision du système de vote de la ligue, l'institution d'un Parlement et la création d'un comité de suivi des décisions. L'objectif visé à travers cette réforme - qui requerra un amendement de la charte de la Ligue arabe - est de rompre avec la loi du consensus, un procédé à l'origine de l'inefficacité de la ligue et souvent utilisé par certains dirigeants pour se soustraire à leurs obligations. Minée par les intérêts contradictoires de ses membres, la ligue est considérée par la majorité des opinions arabes comme un « syndicat de dictateurs et une organisation inutile ». Les attentes de la rue arabe Le jugement de la rue arabe - exclue à ce jour de la prise de décisions - n'est pas excessif et est conforme à la réalité. Quand elle ne démissionne pas face aux crises et aux agressions visant le monde arabe, l'organisation panarabe se montre souvent incapable de prendre en charge les demandes de ses membres. Les tergiversations et les manœuvres des pays observées dans le cadre du traitement du dossier arabo-israélien en sont la preuve. Le jugement des opinions arabes porté à l'endroit de cette organisation est exacerbé par le caractère autoritaire et dictatorial de la majorité des régimes arabes qui ne tolèrent aucune forme d'opposition et d'alternance au pouvoir. La plupart des régimes sont en place depuis plus de deux décennies. C'est le cas de l'Egypte, de la Tunisie et des monarchies du golfe arabo-persique, des pays qui restent encore hermétiques à la démocratie. Sans nul doute, la rue arabe - qui revendique de plus en plus bruyamment son droit de parole - suivra, cette fois, avec intérêt les travaux du sommet d'Alger de l'organisation panarabe. Cet intérêt s'explique par le fait que le projet de réforme inscrit à l'ordre du jour permettra, en cas d'adoption, d'ouvrir des brèches importantes et d'installer le monde arabe dans le train de la démocratie. Les ténors du monde arabe, qui seront au grand complet à ce rendez-vous avec l'histoire, ne devraient pas décevoir les aspirations de leur société. Ils se sont tous engagés à entériner le projet de réforme de la ligue. Le sommet d'Alger, dont les travaux s'étaleront sur deux jours, sera aussi l'opportunité pour les dirigeants des pays de l'Union du Maghreb arabe (UMA) d'entrevoir de nouvelles perspectives à leur ensemble, bloqué depuis de nombreuses années. Outre le dossier de la réforme, il est à rappeler que les principaux points inscrits à l'ordre du jour du sommet arabe d'Alger porteront, entre autres, sur la redynamisation du processus de paix au Proche-Orient sur la base des conditions définies dans le « Plan de paix », adopté à Beyrouth en 2002. Au titre du conflit arabo-israélien, il est rappelé que le Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères a rejeté, dimanche, une proposition de la Jordanie préconisant une sorte d'« assouplissement » des conditions posées pour une normalisation entre la Ligue arabe et Israël. Devant l'intransigeance des chefs de la diplomatie arabes, le représentant de Amman a fini aussi par se rétracter. Pour couper court à la polémique, le ministre algérien des Affaires étrangères a souligné que le sommet d'Alger « ne sera pas celui de la normalisation des relations avec Israël ». Le sommet arabe d'Alger se déroulera, rappelle-t-on, sous l'œil attentif des représentants de l'ONU, de l'UA, de l'UE et du Japon.