Il est très difficile de mettre en musique Les Quatrains de Omar Khayyam, de nombreux artistes peuvent en témoigner. Le poète rebelle ne se laisse pas dompter facilement. Abed Azrié a trouvé le ton juste. Sa musique, très élaborée, complexe et très personnelle accompagne, sans jamais trahir ni pervertir, les textes médiévaux en complice. Sa voix rocailleuse vient se poser dessus comme pour appuyer cette authenticité. Car l'enfant d'Alep maîtrise à merveille l'œuvre de Omar Khayyam jusqu'à la transe à laquelle seuls les plus avertis peuvent nous faire accéder. Une ouverture enivrante de justesse. « J'ai commencé à travailler sur les musiques de Omar Khayyam en 1990. Je suis revenu dessus, je les ai affinées pendant huit ans. Omar Khayyam, comme Ali, propose d'accepter le passé, refusant tout ce qui pourrait se rapporter à une conception intégriste, totalitaire de la spiritualité », explique Abed Azrié. On comprend très vite pourquoi il a choisi de créer son propre label en écoutant son dernier album. On ne trouvera pas ses disques au milieu des CD, faciles à écouter, de la world music. L'artiste est exigeant, perfectionniste. Son œuvre est iconoclaste, inclassable, intemporelle. Son monde imaginaire est peuplé de références littéraires, de mythes, de cultures anciennes, oubliées malheureusement, revigorées grâce à lui, de spiritualité. Il est à la fois avant-gardiste et gardien d'une mémoire enfouie au plus profond de notre subconscient. C'est l'essence de la musique arabe, pas la vérité formatée pour l'oreille l'occidentale, qui se retrouve soudain presque accessible. Le désert, la mer, les montagnes du Moyen-Orient bruissent dans Omar Khayyam. L'oud, le qanoun et le nay racontent l'histoire. Ils laissent peu de place aux adjectifs. Qu'on se le dise, Abed Azrié, en transcendant les genres musicaux, a atteint l'universalité par la plus grande porte, celle de l'authenticité. Son dernier morceau, sur un texte d'Ali Ibn Abi Taleb, montre toute l'érudition de l'artiste. Il ne se satisfait pas du prêt-à-chanter. « Pour moi, un travail artistique est un détournement. Le sculpteur détourne la pierre pour en faire une sculpture. Le musicien détourne le silence pour en faire de l'écriture musicale. » Le résultat en est un album indispensable, à écouter et à réécouter.Azrié Abed, Omar Khayyam, DouMtak, Nocturnes