C'est avec de la lecture de poésie de ces célèbres contes universels qu'ont été clôturées ainsi ces journées placées sous le thème du Vivre ensemble. Comme toute bonne chose a une fin, les Rencontres d'Ibn Rochd initiées par l'association Chrysalide et les Editions Barzakh, ont pris fin samedi après-midi à la salle Frantz-Fanon de Riadh El Feth par la lecture des Mille et une nuits par l'artiste Abed Azrié, après avoir prodigué ses Chants d'amour et d'ivresse jeudi dernier, à la salle Ibn Zeydoun. En vérité, il s'agira de lire les «originaux», c'est-à-dire des extraits des Cent nuits avant qu'un écrivain du XIIe siècle, Sabbar, eut adapté cette version en l'élargissant à Mille et une nuits. Devant une nombreuse assistance encerclant l'orateur, Abed Azrié s'emploiera avec sa voix grave à lire ces textes tantôt en français, tantôt en arabe et à les décliner par thème. Aussi, Il évoquera le temps, l'amour et l'éloignement, «un thème cher aux Arabes», dit-il, la joie du festin, du vin, mais aussi la pauvreté, la mort, le pardon, la maison et même la beauté des homosexuels dont on fera jadis l'éloge même dans les pays arabes... Ceci l'expliquerait Abed Azrié, par le fait que «les sociétés arabes à l'époque étaient nettement plus évoluées que la nôtre aujourd'hui, que ce soit sur le plan culturel ou économique. On n'avait pas besoin de visa pour aller en Chine quand bien même c'était très loin pour eux. C'était une société ouverte où plusieurs civilisations se côtoyaient.» En effet, comme le souligne Vincent Demers, dans son étude des contes Les Mille et une nuits, la lecture de ces histoires fait ressortir des personnages qui prennent vie autour de thèmes récurrents et qui, concentrés au Proche et Moyen-Orient, étendent parfois leurs péripéties jusqu'aux confins de l'Inde ou de la Chine. Tout un savoir-vivre que nous renseignent en effet ces textes même s'il existe un écart entre l'imaginaire et le réel, reconnaîtra Abed Azrié, ce qui est dû au fait «qu'on écrit que ce dont on rêve, ou les choses auxquelles on aspire». Par ailleurs, Les nuits constituent un ensemble de contes dynamiques puisque les conteurs y inséraient ou y soustrayaient des histoires selon leur plaisir et surtout selon celui des auditeurs. Pour Abed Azrié: «L'histoire des cultures est une continuité. Le gens se lèguent les uns les autres. Tout comme dans la musique. Regardez par exemple les Rolling Stones, tout le monde puise aujourd'hui de la musique orientale». Ceci pour expliquer par ailleurs, l'apport des différents poètes soufis, arabes classiques ou contemporains et notamment la légende sumérienne de Gilgamesh ou Omar Khayam, qui nourrissent sa musique. Et de souligner en ce sens que cette poésie est de niveau universel encore plus que Abdelhalim Hafedh. Et de déplorer le fait que les Arabes sont devenus des consommateurs locaux. S'agissant de ses projets, Abed Azrié indique qu'il a déjà enregistré un album réunissant encore des poètes soufis du genre d'Ibn Arabi et d'autres auteurs de l'andalousie dont Chouchtari qui, confie-t-il «chantait pour les gueux. Il est le seul auteur de rue qui chantait en arabe dialectal.» Alors Vivre ensemble, une utopie? Il faut au moins essayer pour voir! La preuve, ces rencontres qui ont réuni un nombre important d'écrivains, de philosophes, d'historiens et de journalistes de tout le pourtour de la Méditerranée. Un réel plaisir de convergence et de correspondance des idées dans le respect de l'autre et ses spécificités. N'est- ce pas là l'essence même du Vivre ensemble?