Enseignant à l'université d'Oran, M. Bellil a le mérite de s'intéresser aux chefs des tribus qui ont mené la résistance face à l'armée coloniale française avec l'Emir Abdelkader. Il a intervenu samedi à l'hôtel Président, lors d'une journée commémorative organisée par la fondation qui porte le même nom pour évoquer succinctement quelques noms à l'exemple de Bouhmidi Eloualhaci, qui a mené presque toutes les batailles de l'Ouest du pays, dont celles d'El Mactaâ et Misserghine avant de décéder au Maroc en 1947. Il citera également Mohamed Benfreha El Mahadji, Mustapha Touhami, Mehiedine Benallal, Kadour Benallal, Mohamed El Berkani, entre autres. Son intervention n'est pas fortuite parce qu'il relèvera le manque d'ouvrages consacrés à ces acteurs, hormis quelques rares colloques. Il en a lui-même animé quelques uns, ce qui laisse supposer que le champ est ouvert à des recherches futures. Parmi les chefs de tribus qui ont eu à gérer des régions, certains ont eux-mêmes participé à l'acte d'allégeance par lequel Abdelkader a été désigné pour diriger la lutte contre l'armée coloniale conquérante. La souveraineté de l'Emir n'était ni de droit divin ni successorale et sa désignation ne répondait qu'à un impératif précis comme l'était celui du FLN en 1954. Les glissements de sens, sources de malentendus, ont fait que la glorification et le panégyrique l'emportent souvent, au sein de cette fondation, sur l'approfondissement de la compréhension des faits historiques et sociologiques, d'où l'intérêt de l'intervention de M. Bellil. Partant de ce point de vue, un autre enseignant a jeté un pavé dans la mare en remettant en cause la célébration, aujourd'hui, de ce « traité de la Tafna » signé le 30 mai 1837 avec le maréchal Bugeaud. « Tout homme d'Etat qui cède la souveraineté de son pays à une armée étrangère est à la limite de la traîtrise », s'insurge Hassane Sohbi lui aussi enseignant universitaire. Son argument : « il est impossible de comprendre l'esprit juridique du ‘'traité ‘'de la Tafna si l'on ne se réfère pas au rapport diplomatique du général Bugeaud envoyé à son gouvernement et dans lequel il stipule que l'Emir Abdelkader, par trois fois, insiste pour dire : ‘'je ne signe pas de traité avec la France, je ne signe qu'une trêve'' ». Pour M. Sohbi, « cela voudrait dire que le document portait seulement sur une ligne de démarcation militaire mais la France a voulu donner une base juridique à la colonisation. En résumé, elle est entrée avec un traité et elle est sortie avec des accords (Evian) mais un traité a plus de valeur juridique ». Il estime que, « inconsciemment, la fondation utilise des concepts coloniaux dont elle ne mesure pas la portée symbolique. »