Orages, de Hedia Bensahli, est un roman, une trame qui se tisse en Algérie pour étendre sa toile en France, maillée de soubresauts bouleversants. L'Algérie y est décrite dans ses repères les plus poignants. Les détails sont cardés, passés par le rouet stylistique de l'auteure pour tirer des fils qui bousculent socialement et culturellement les idées arrêtées, déconstruisent les mythes éculés et surtout dénudent les tabous. Tout commence par une chaussette qui se rebelle. Voilà le bout de tissu par lequel l'auteure nous conduit à croire qu'une fillette réussit son affirmation de soi. Nous sommes d'abord convaincus qu'elle détermine ainsi sa personnalité. Une chaussette qui plonge une adolescente dans des illusions renforcées par des lectures souvent consommées sans réelle distance et soutenues par des discours d'égalitarisme apparent. Cette naïveté consommée, l'adulte, somme toute précoce, tente d'opérer une mue culturelle, intellectuelle et bien plus… Le personnage principal, une femme assumée, nous promène à travers les années de sang que l'auteure convoque comme les témoins d'une rescapée. Orages est le creuset d'une existence tourmentée, solitaire, d'où coule la pâte qui se débarrassera à terme de sa mollesse pour se fixer en un être de forge et de vie. Si les griffures laissent des stries parfois profondes, voulues par l'auteure, c'est pour mieux bannir le «Paraître», cauchemar que traîne le personnage principal jusqu'au dénouement de son aventure, sa mésaventure. Ainsi se présente le fonds de ce roman, qui se lit d'un trait. L'autre particularité que présente Orages est la langue. Sans bavures ! Ce n'est pas tant le maniement du français, que l'auteure maîtrise parfaitement, auquel le lecteur succombe, mais les scènes solidement campées et dépeintes dans une expression richement fournie. Seul le génie de Hedia Bensahli réussit la prouesse de produire un langage qui parle aux deux rives en même temps. Et avec la même teneur sémantique. Orages serait écrit en algérien qu'il ne perdrait aucune charge de son épaisseur, tellement les images y sont fortes, dynamiques et profondes. Pour un premier roman, il fait rage ! Orages est un roman à aimer ou à adorer.