Les conserveurs de tomate industrielle d'El Tarf, Annaba, Guelma et Skikda, là où on produisait 90 000 tonnes/an de double concentré de tomates (DCT) avant la crise provoquée par des importations massives qui ont laminé cette filière, dénoncent le parti pris et la « discrimination » des banques qui favoriseraient deux conserveurs bien en vue en dépit des mesures énoncées par le Premier ministre et le ministre de l'Agriculture pour redéployer ce névralgique secteur de l'agriculture. Avant sa mise à mort à partir de 2005, la filière DCT offrait du travail à 140 000 personnes pendant 9 mois de l'année et couvrait de loin les besoins nationaux qui se situaient autour de 60 000 tonnes/an. Puis, vinrent les importations d'abord de Turquie, puis de Chine et d'Egypte. Aujourd'hui, on importe toujours 75 000 tonnes/an pour 70 millions de dollars. La production nationale, elle, a baissé à 15 000 t/an – 18% des besoins nationaux – produites pour 70% dans la wilaya d'El Tarf. 13 conserveries, qui représentent un capital de 1500 milliards de cts, en partie financés par l'Etat, ont fermé leurs portes depuis 2005 pour des raisons diverses où on compte quelques cabales bien menées comme celle qui a coûté des mois de prison à un conserveur avant qu'il ne soit reconnu innocent. Dans le sillage des dispositions prises récemment par le gouvernement pour réduire les importations et surtout les importateurs, le ministère de l'Agriculture a misé sur la tomate industrielle. En janvier dernier, les conserveurs sont invités par Rachid Benaïssa, le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, à se rapprocher des services agricoles pour la prise en charge par l'Etat des frais de rééchelonnement de leurs dettes qui leur serait accordée par les banques sur la base d'un plan de développement de leurs unités de transformation. Les conserveurs s'y emploient ardemment dès février et reprennent langue avec les agriculteurs-producteurs plus ou moins rassurés par la volonté clairement affichée des plus hautes instances du pays. A l'heure actuelle, les superficies exploitées atteindraient les 7000 hectares à El Tarf où elles ne dépassaient guère 2000 hectares. Un bond prodigieux qui traduit en quelque sorte l'espoir porté par l'annonce de la relance de la filière soutenue par l'Etat. Toutefois, ces efforts, cette énergie et cette confiance retrouvée risquent de se solder par une autre désillusion. « Les banques ne jouent pas le jeu et se moquent des instructions du gouvernement », martèlent les conserveurs que nous ont contactés. Avec la contribution du ministère de l'Agriculture et des institutions financières, les dossiers ont atterri dans les banques, le CPA, la BEA et la BNA en l'occurrence, mais depuis plusieurs semaines, c'est le black-out alors que la campagne est déjà bien entamée. Aucun des conserveurs n'a été invité à se rapprocher de sa banque pour les formalités. Ce n'est pas une règle générale car des conserveurs bien en vue, qui n'auraient pas les garanties suffisantes pour cela, ont pu bénéficier de centaines de milliards de dinars au titre de prêts de campagne dont 80% sont détournés pour importer du triple concentré et de l'emballage au détriment aussi des unités publiques nationales. « L'heure est grave. C'est toute la campagne qui va foirer et mettre en danger la relance de la filière qui serait salutaire pour toute la région. » « C'est la mafia de l'importation qui est derrière le blocage des banques et c'est pour cette raison que nous en appelons encore à l'intervention des hautes autorités de l'Etat », affirment encore les transformateurs qui demandent qu'on s'intéresse de près à ce créneau.