Connue pour être une plaque tournante de trafics en tout genre, la wilaya de Annaba attend toujours sa part des grandes enquêtes. En effet, les secteurs concernés sont aussi nombreux que les atteintes à l'économie nationale. Bien qu'il ait été saisi, depuis plusieurs mois, pour au moins sept dossiers, les uns aussi compromettant que les autres, ayant trait, entre autres, aux marchés non conformes, attribués aux puissants sous-traitants par Sider El Hadjar, le groupement de la gendarmerie de Annaba tarde toujours à clore les enquêtes et présenter les mis en cause devant la justice. Les sidérurgistes, qui confirment des dépassements dans la gestion de l'argent public, notamment les 700 millions de dollars destinés à l'investissement, commencent à perdre l'espoir de voir les mis en cause répondre de leurs actes. «Après le limogeage de Youcef Yousfi et plusieurs de ses cadres dont les actes de gestion sont actuellement l'objet d'instruction judiciaire, nous avons cru que la gestion financière de notre complexe serait également passée au peigne fin. En vain. Loin s'en faut, Annaba a toujours été épargnée des grandes enquêtes», regrettent des cadres de Sider El Hadjar. Le trafic de blé dans les minoteries de cette wilaya est un autre dossier qui sera, vraisemblablement, omis par ceux qui animent la campagne «mains propres». A Annaba, ce secteur, qui a été toujours marqué par le trafic du blé subventionné, est un gouffre financier qui ne profite qu'aux indélicats transformateurs. «A Annaba, il y a des semblants de meuniers qui n'ont jamais transformé un grain de blé. Aussitôt qu'ils ont leur quota mensuel, ils le vendent tel quel, engrangeant au passage les subventions de l'Etat. Et tous les services de sécurité sont au courant de ce trafic qu'a confirmé dernièrement l'exposé du ministre des Finances sur la filière céréales. Une vérification entre l'arrivée du blé subventionné et la quantité de semoule et farine produite certifie ce trafic flagrant», dénonce un transformateur qui garde, néanmoins, l'espoir de voir son secteur assaini des trafiquants. Cet espoir est né au lendemain du limogeage de Mohamed Belabdi, directeur général de l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC). Premières mesures prises, 45 minoteries fermées pour fausses déclarations de leurs capacités de production et les poursuites judiciaires engagées à l'encontre d'autres. Selon les chiffres du Centre national de l'information et des statistiques des Douanes, en 2018, l'Algérie a importé pour 10,8 millions de tonnes de céréales (blé, orge et maïs), dont 6,54 millions de tonnes de blé tendre et 1,48 de blé dur. La facture totale est de 2,5 milliards de dollars. La poudre de lait n'est pas en reste à Annaba. En effet, dans ce domaine, un grand trafic s'est installé depuis plusieurs années. «Il y a toujours eu des détournements de la poudre de lait subventionnée vers la production d'autres dérivés non subventionnés, comme les yaourts et les fromages, dont sont accusés des producteurs privés. Le contrôle périodique des laiteries privées s'est avéré vain et ce trafic persiste jusqu'à aujourd'hui, au grand bonheur de ses animateurs», dénonce un cadre d'une laiterie publique, révélant au passage que «l'Algérie a payé en 2018 une facture de 600 millions de dollars, représentant l'importation de la poudre de lait». Ce marché juteux a drainé des centaines de cupides qui ont infesté le secteur. Leur modus operandi est, toujours selon la même source, «de jouer sur la quantité de poudre à diluer pour avoir un litre de lait en sachet sachant qu'il en faut 103 grammes. Dans le meilleur des cas, 60 grammes de poudre de lait sont mélangés à près d'un litre d'eau. La différence est ainsi transformée, sinon vendue pour la production de fromages et de yaourts, plus rentables». D'autres secteurs, tels que la santé, l'immobilier et l'électroménager, sont également infestés par le trafic qui, à Annaba, n'épargne aucune activité.