L'objectif de la sécurité alimentaire reste théorique tant que les deux secteurs agricole et industriel sont déconnectés. Le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), Réda Hamiani, a réitéré hier à Alger son appel pour «conjuguer les efforts par tous en vue de trouver des solutions au problème de la dépendance alimentaire» qui risque de persister durant les dix prochaines années. Intervenant à la rencontre «Synergies fertiles», organisée par le FCE en partenariat avec la fondation Filaha Innove, M. Hamiani a indiqué que son organisation patronale prône une nouvelle démarche pour permettre au pays d'augmenter à des niveaux suffisants la production des produits agricoles stratégiques tels que le lait et les céréales afin d'assurer les besoins croissants de la population et parvenir à réduire la facture d'importation. Cependant, la déconnexion des filières agricoles et industrielles est un problème qui n'a pas encore été résolu en Algérie. Abdelhamid Soukehal, expert laitier international, a relevé que «les capacités globales de transformation en lait dépassent de presque du double les besoins actuels. Nous avons donc une surcapacité comme pour les minoteries». La situation est encore plus inquiétante, selon l'expert, en raison du non-respect des normes techniques et de l'implantation «anarchique» de ces laiteries qui ne prennent pas en considération l'implantation des élevages laitiers et les besoins des grandes villes. «Les normes de composition et de qualité des laits et des produits laitiers ne sont pas souvent respectées, il en est de même des laits crus collectés par ces laiteries», a ajouté l'expert. Le développement de l'industrie laitière privée s'est basé essentiellement sur l'importation des matières premières comme le lait en poudre, la matière grasse (MGLA) et les fromages de transformation. Dépenses colossales contre maigres résultats En dépit de l'importation, en 2012, de la poudre de lait servant à la fabrication du lait reconstitué pour une facture de 934 millions de dollars, l'Algérie a importé pour une valeur de 100 millions de dollars de beurre correspondant à 21 184 tonnes et environ 20 520 tonnes de fromages pour une valeur de 60 millions de dollars. Pourtant, déplore l'expert, l'Algérie mobilise des moyens financiers colossaux pour le soutien de la filière lait notamment pour les cultures fourragères, l'acquisition des vaches laitières, la collecte. Malgré cet effet, «l'élevage laitier est structurellement déficitaire». Les coûts de production sont plus élevés tandis que la rentabilité est moindre par rapport aux éleveurs étrangers. La production doit atteindre 3,6 milliards de litres par an, mais au rythme actuel, cet objectif ne peut encore être atteint. Le patrimoine de vaches sélectionnées doit atteindre 600 000 têtes avec un rendement de 6000 litres/vache/an, contre 3600 litres /vache/an actuellement. La filière, qui compte une moyenne de 7 vaches par éleveur, doit passer à 50 vaches par éleveur, avec le doublement de la production pour atteindre 6000 litres/vache/an. Il est nécessaire également d'intégrer les 8000 éleveurs informels dans le circuit de l'Office national interprofessionnel du lait (Onil), qui a versé, en 2011, des subventions de 11 milliards DA pour 557 millions de litres de lait cru. M. Soukehal a conditionné l'atteinte des objectifs d'autosuffisance par la multiplication par 3,5 la production marchande actuelle, poursuivant que «la production collectée par le circuit industriel doit passer de 1 milliard de litres à 3,6 milliards de litres sur une période décennale».