Quand on rentre au pays après un voyage, on ne peut s'empêcher d'éprouver un certain plaisir, celui tout simple de se retrouver chez soi et parmi les siens. On évite soigneusement de penser à la routine, aux affres de la circulation, aux comportements délétères de certains, à la négligence parfois repoussante de nos espaces publics, au voisin qui ne peut vivre sans boucan, etc. Avec une admirable obstination, on se chante dans la tête Ya el rayah (ô le partant), la célèbre chanson de Dahmane El Harrachi, reprise par Rachid Taha et d'autres. Vous savez, celle dont le refrain proclame qu'on finit toujours par se lasser de l'ailleurs pour revenir au bercail… De cette question, chacun fait avec comme il peut. Mais, conseil d'ami, évitez de rentrer par l'aéroport international d'Alger. Une fois sorti de l'avion, juste après le boyau mécanique qui vous mène de l'appareil aux salles de débarquement, un grand panneau vous accueille pour vous souhaiter une bonne année. Charmante attention, même si le passage calendaire date un peu. Il se trouve seulement que dans cette immense affiche qu'on ne peut rater, collée sur un panneau du leader mondial de l'affichage, concessionnaire des espaces, il se trouve donc qu'on vous souhaite une bonne année 2009 ! Ecroulement de vos bonnes résolutions. Découverte que, quel que soit votre lieu de départ, vous avez fait un voyage à rebours dans le temps. Des mauvaises langues diront qu'une année, ce n'est pas trop mal. Alors, rentré chez soi, on se précipite sur internet pour se convaincre que l'on a quand même un ou deux doigts (selon la dextérité au clavier) dans la modernité. Ah ! Un message de la peintre Djahida Houadef qui a fait de sa boîte mail un formidable instrument de diffusion des informations culturelles, cette diffusion étant elle-même un acte culturel. Elle signale un article du Quotidien d'Oran sur une histoire si incroyable qu'elle pourrait ressembler à un canular : sept tableaux attribués à Picasso et découverts en septembre 2009 à Medrissa (60 km de Tiaret) par un citoyen qui restaurait un vieux puits. Ces œuvres, signées et datées de 1944, auraient été remises à des « agents de la direction de la culture de la wilaya ». Sans nouvelles de ces œuvres, les braves habitants de la localité ont créé un comité de sauvegarde du patrimoine et entendent être éclairés sur le sort de ces toiles. Selon notre confrère, se référant à des historiens de l'art, le grand maître aurait séjourné dans la région dans les années quarante pour « rendre visite à des colons espagnols ». A notre connaissance, aucune biographie ne mentionne un tel passage, à Tiaret comme ailleurs en Algérie. Ce serait une fameuse découverte. En 2007 déjà (cf. El Watan, 1er février), la Gendarmerie nationale avait arrêté à Tlemcen une bande détenant, entre autres, des œuvres de Picasso ainsi qu'une statuette représentant l'artiste qui devaient être exfiltrées au Maroc. A croire qu'un gisement d'art moderne a été découvert à l'ouest ! Mais bon, si l'aéroport, vitrine du pays, en est encore au début de l'année dernière, pourquoi pas après tout ? Pour être heureux, pénétrons-nous de l'abstraction de Picasso.