Dans cet entretien, Ahmed Bedjaoui donnera ses impressions sur la participation de l'Algérie à la 63e édition du Festival de Cannes avec le tout nouveau film de Rachid Bouchareb. Liberté : Voilà bien longtemps que l'Algérie n'a pas été dans la compétition officielle du festival de Cannes, d'autant que “Hors-la-loi”, est un film financé en grande partie par l'Algérie ? Ahmed Bedjaoui : Il est vrai que l'Algérie et son cinéma attendaient depuis 25 ans qu'un film algérien soit à nouveau présent dans la compétition cinématographique la plus prestigieuse du monde. L'Algérie a remporté une palme d'or grâce au magnifique film de M. Lakhdar Hamina “La Chronique des années de braise”. C'est d'ailleurs la seule palme d'or qu'un film arabe ou africain ait jamais remportée. Elle est à nouveau présente à Cannes au plus haut niveau. Certains pays frères doivent nous envier : nous les battons en football, nous récidivons avec notre cinéma. Je dois préciser que si Rachid Bouchareb a choisi de présenter son film sous bannière algérienne (comme il l'avait fait à Berlin l'année dernière avec “London River”, il faut préciser que l'Algérie a contribué au tiers du financement du film. Le reste de la production a été couvert par la Tunisie, la Belgique et la France. Est-ce que le film a des chances de se retrouver parmi les lauréats ? Cela personne ne peut le dire. Le jury est souverain. Figurer parmi les 16 films retenus sur la centaine visionnée, est en soi une grande réussite. Et si le film venait à trouver les faveurs du jury pour une récompense ou une autre, ce serait magnifique. Rachid Bouchareb est un cinéaste qui a construit une carrière assez intéressante, mais sur la durée. Son intérêt pour l'histoire et pour son pays d'origine l'a révélé au monde entier. Que pensez-vous de ce réalisateur qui construit réellement une carrière sur la durée et une réflexion ? Outre sa modestie et son humilité, je suis personnellement impressionné par deux choses au moins chez Rachid Bouchareb : - Sa capacité de progression. Depuis “Cheb” ou “Bâton rouge”, tout le monde s'accordait à dire que nous avions là un cinéaste talentueux et prometteur. Depuis “Indigènes”, il a franchi des étapes significatives dans la maîtrise du récit et des formats de production. Il sait raconter une histoire humaine et à travers des êtres simples, il a appris à raconter l'histoire avec un grand H, sans jamais donner de leçons ni souligner son message. En cela, il se rapproche, à mon avis, des grands narrateurs américains comme Michael Mann. - Pour avoir déjà vu “Hors-la-loi” en projection privée, je peux vous dire que ce film possède un souffle révolutionnaire exceptionnel et un patriotisme sans faille pour la cause algérienne. Il n'est contre personne, il est tout simplement et totalement pour l'Algérie et sa lutte légitime pour la liberté. Mon avis est que Bouchareb a atteint un niveau de maturité totale qui le place dans le gotha des grands réalisateurs actuels. Son prochain film, dois-je le révéler, sera d'ailleurs américain.