Les relations entre les Emirats arabes unis et le pouvoir central au Yémen se dégradent de jour en jour à cause des combats entre les séparatistes sudistes et l'armée à Aden, capitale du Sud. Les séparatistes ont indiqué, jeudi, avoir repris Aden aux loyalistes qui la contrôlaient mercredi. Hier, les Emirats ont confirmé avoir mené, cette semaine, des raids aériens contre des cibles à Aden, mais ont affirmé avoir visé des «milices terroristes» et agi en «légitime défense». Le même jour, la capitale du Sud a connu deux attentats, dont le premier a coûté la vie à trois combattants séparatistes ; le deuxième a fait cinq blessés parmi les gardes d'un chef militaire sécessionniste. «La lutte contre le terrorisme» a été une des causes invoquées par les séparatistes pour prendre le contrôle d'Aden. Ils ont accusé auparavant le gouvernement de «complicité» dans deux attentats ayant fait 49 morts le 1er août dans leurs rangs. Abu Dhabi et le président yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi, ont fourni deux versions inconciliables sur la situation récente dans le pays. Les Affaires étrangères émiraties ont indiqué que les forces gouvernementales, qui ont tenté de prendre Aden aux séparatistes, comptent dans leurs rangs des «terroristes». Les raids ont visé des «éléments appartenant à des groupes terroristes qui ont attaqué les forces de la coalition dans l'aéroport d'Aden». Les Emirats considèrent qu'une partie de l'armée du gouvernement du président Hadi est composée de militants d'Al Islah, un parti yéménite considéré comme proche des Frères musulmans. Le vice-président yéménite, Ali Mohsen Al Ahmar, est considéré lui-même comme proche de la mouvance islamiste. La thèse des Emirats est soutenue par le chef du Conseil de transition du Sud (STC) d'obédience séparatiste, Aidarous Al Zoubaïdi. Lors d'une conférence de presse, dans la nuit de jeudi à vendredi à Aden, il a affirmé que ses hommes ont capturé, parmi les «assaillants» qui ont attaqué la ville, des «terroristes recherchés par la justice internationale», sans autre précision. De son côté, le gouvernement de Hadi a accusé les Emirats d'avoir planifié, financé et coordonné l'action des séparatistes. «Les milices (séparatistes) rebelles ont attaqué toutes les institutions de l'Etat et ses positions militaires à Aden avec le soutien, le financement et la planification des Emirats», a déclaré le président Hadi dans un communiqué publié jeudi. Il fait référence à la première conquête d'Aden par les séparatistes le 10 août. Il a aussi défendu la contre-attaque du pouvoir à Aden mercredi, y voyant une opération destinée à rétablir l'autorité de l'Etat, avant de déplorer l'intervention de l'aviation des Emirats. Dans ce contexte, le président yéménite, exilé en Arabie Saoudite, a appelé Riyad à «intervenir pour arrêter les ingérences flagrantes des Emirats, leur soutien aux milices (séparatistes) et leurs raids aériens contre les forces armées yéménites». Le royaume wahhabite a proposé au début des violences entre séparatistes et gouvernement un dialogue entre les deux camps dans la ville saoudienne de Djeddah. Le STC s'y est dit favorable et le gouvernement Hadi a exigé, pour y participer, un retrait des séparatistes des positions conquises à Aden et ailleurs dans le sud du Yémen. Limogeages et velléités sécessionnistes Les forces gouvernementales et les séparatistes, qui réclament l'indépendance du Sud, combattaient ensemble depuis mars 2015 les Houthis dans le cadre de la coalition arabe menée par l'Arabie Saoudite. Leurs relations se sont détériorées depuis fin 2017 suite au limogeage, par le président Hadi, du gouverneur d'Aden, Aidarous Al Zoubaïdi, et du ministre d'Etat Hani Ben Brik. Ces mesures provoquent de vives réactions dans le Sud. Des milliers de citoyens ont contesté, début mai à Aden, l'autorité de Hadi. Ils ressuscitent ainsi le mouvement sudiste, partisan d'une sécession du Sud-Yémen, un Etat indépendant jusqu'en 1990, date d'unification avec le Nord. Le 11 mai, Aidarous Al Zoubaïdi a annoncé la mise en place du STC, placé sous sa présidence pour «diriger les provinces du Sud». Option dénoncée par le gouvernement de Hadi, qui a fait d'Aden la «capitale provisoire» du Yémen depuis que les rebelles houthis, issus du Nord, se sont emparés de vastes portions du territoire, dont la capitale Sanaa depuis septembre 2014. Mi-janvier 2018, le STC donne une semaine au président Hadi pour limoger le Premier ministre Ahmed Ben Dagher et faire «des changements dans le gouvernement», accusé de «corruption». A la fin de l'ultimatum, des forces séparatistes s'emparent du siège du gouvernement à Aden, après des affrontements avec l'armée loyaliste. Ben Dagher dénonce un «coup de force». Le 30 janvier, les séparatistes prennent le contrôle de la quasi-totalité d'Aden et encerclent le palais présidentiel. Le lendemain, ils se déploient dans Aden après trois jours de combats qui ont fait au moins 38 morts. Des efforts de médiation de la coalition arabe menée par Riyad et Abou Dhabi aboutissent à la levée du siège du palais présidentiel. La crise fait apparaître des divisions entre l'Arabie Saoudite, qui soutient le président Hadi, et les Emirats arabes unis, qui ont entraîné une force appelée «Cordon de sécurité», favorable au mouvement séparatiste. Le 7 août dernier, des affrontements opposent, à Aden, des éléments séparatistes de la force «Cordon de sécurité» aux troupes gouvernementales. Le gouvernement accuse les Emirats d'être «responsables de ce coup d'Etat».