Les débarquements massifs de candidats à l'immigration, arrivés clandestinement sur l'île de Lampedousa (Sicile), ont mis le gouvernement italien dans un véritable dilemme, à quelques jours de la tenue d'importantes élections régionales. Traiter ce phénomène, dans le plein respect des conventions internationales pour l'éloignement des personnes entrées illégalement sur le territoire italien, au risque de voir la droite xénophobe l'accuser de manque de fermeté, ou refouler manu militari les clandestins vers les côtes africaines, provoquant ainsi la protestation des organisations internationales des réfugiés ? Il semble que le ministère de l'Intérieur ait opté pour la seconde alternative, préférant essuyer les critiques des Ong à une levée de boucliers d'une partie de sa majorité. Les militants pour le respect des droits d'asile n'ont pas hésité à parler de « véritables déportations » pour indiquer le pont aérien reliant la Sicile à Tripoli que le ministère de l'Intérieur a mis en place durant les trois derniers jours. Le nombre important des Africains, d'origine surtout égyptienne, bloqués par les vedettes des gardes-côtes italiennes, alors qu'ils tentaient d'entrer clandestinement en Italie, a provoqué une véritable urgence humanitaire. Le centre de permanence de l'île, où sont gardés à vue les immigrés en situation irrégulière, a dû abriter plus de 1000 d'entre eux, alors que sa capacité d'accueil ne dépasse pas les 200 personnes. Les responsables des communes concernées ont dû dresser un camp de toile pour contenir la demande d'hébergement créée par les successifs débarquements. Face à ce problème auquel l'Italie est confrontée depuis des années, dès la fin de l'hiver, il semble que la ligne dure de la répression l'ait emporté sur celle plus prudente d'un traitement humanitaire de cette question. Le gouvernement italien ne compte cependant pas se voir mis à l'index par les organisations internationales des réfugiés comme le Conseil international des réfugiés, dont le représentant à Rome, Christopher Hein, s'est dit « contre cette pratique de l'éloignement collectif indistinctement de la nationalité des demandeurs d'asile et en violation des conventions internationales pour le droit d'asile ». Le ministre de l'Intérieur, Giuseppe Pisanu, a décrit comme « infamante » la protestation qui parle de déportation, ajoutant que « l'Italie, qui est un pays qui sauve des milliers de vies humaines, ne mérite pas cette qualification ». Pour le représentant du gouvernement de Silvio Berlusconi, « l'immigration clandestine doit être affrontée avec fermeté, car elle est gérée par des organisations criminelles qui exploitent le travail au noir et la prostitution ». Point satisfaits de ces mesures drastiques d'expulsion, les responsables de la Ligue du Nord n'ont pas manqué de faire de la surenchère à ce sujet. « Il faut imposer des taxes aux pays arabes de la rive sud de la Méditerranée qui font partir les immigrés clandestins et ignorent les accords internationaux », a déclaré le président des sénateurs du parti xénophobe, Ettore Pirovano.