Le ministre de l'Intérieur italien, Giuseppe Pisanu, a déclaré, après la énième arrivée de dizaines de ressortissants africains et asiatiques sur l'île de Lampedusa (Sicile), que le problème de l'immigration « remet en discussion les compétences nationales et interpelle la conscience civile européenne, pour trouver des solutions responsables qui respectent la dignité humaine ». Chaque été, avec l'amélioration des conditions climatiques, les organisations criminelles qui gèrent le trafic florissant de l'immigration clandestine mettent régulièrement à la mer des embarcations clandestines surchargées de réfugiés africains et asiatiques prêts à tout pour arriver en Europe. Cette mafia, qui a fondé son négoce sur le marchandage des vies humaines, encaisse chaque année 9,5 milliards de dollars, dont 2,5 dans la seule Méditerranée. Depuis le début de l'année, plus de 4500 immigrés ont débarqué sur les plages de Sicile, laissant derrière eux des dizaines de leurs compagnons de galère, qui ont succombé à la faim, au froid et à la lassitude. La Méditerranée est devenue un véritable cimetière où les damnés de la mer sont jetés sans qu'aucun état civil enregistre leur décès. Ils meurent dans l'anonymat et l'indifférence tant les drames de l'immigration clandestine sont devenus un thème qui se répète chaque été et focalise de moins en moins l'actualité européenne. Soumis à une forte pression de la part des partis xénophobes qui font partie de la majorité au pouvoir, le gouvernement de droite italien a fini par avouer son incapacité de gérer seul ce fléau. Recueillant cet appel à l'aide, le ministre de l'Intérieur allemand, Otto Scilly, a préconisé la construction de centres d'accueil sur les côtes des pays nord-africains, où, à en croire le ministère de l'Intérieur italien, deux millions de personnes attendent leur tour pour embarquer pour l'Italie. Croyant trouver une vie meilleure en Europe, où parfois leurs parents les attendent, ils vendent leurs biens, s'endettent ou économisent des années durant, pour payer leur place sur des embarcations de fortune, qui souvent n'arriveront jamais à destination. Des passeurs verreux les délestent chacun de 650 à 1200 dollars sans rien leur garantir. Ils doivent affronter le froid, la faim, la soif et la fatigue et risquent la mort durant toute la traversée. Les plus chanceux seront localisés par les garde-côtes italiens qui leur prêtent secours et les remorquent jusqu'à l'île la plus proche, où ils seront parqués dans des centres d'accueil, où les conditions de vie lamentables et le surpeuplement sont souvent dénoncés par des ONG, comme Médecins sans frontières, qui s'est vu tout simplement interdire l'accès à ces structures. Cette misère humaine n'attendrit point les hommes politiques du parti de la Ligne du Nord, qui ont suggéré que ces barques soient accueillies « avec des coups de canon » affirmant que parmi ces immigrés « se cachaient des terroristes ». Scandalisés par une telle instrumentalisation politique, le mouvement des Verts et une partie de la gauche ont dénoncé ce qu'ils appellent « la faillite de la politique de l'immigration du gouvernement » de Silvio Berlusconi. Plus pragmatique, le ministre de l'Intérieur a réussi à faire signer à son homologue libyen un accord de coopération qui engage le gouvernement de Tripoli à construire des centres d'accueil sur les côtes pour empêcher les candidats à l'immigration clandestine d'embarquer des ports libyens. Pour sa part, l'armée italienne s'engage à pourvoir en hélicoptères, en radars et en instruments de détection la police de Kadhafi. Souhaitant étendre cet accord à d'autres pays nord-africains, le nouveau commissaire européen à la justice et à la sécurité, le ministre italien Rocco Buttiglione, a néanmoins tenu à rassurer les partenaires maghrébins de l'Italie : « Ces pays sont souverains et la construction de centres d'accueil sur leurs territoires se fera avec leur accord convaincu et leur coopération. »