Le Conseil constitutionnel décristallise les pensions des ressortissants des anciennes colonies. Les anciens combattants de l'armée française, originaires des ex-colonies de la France, doivent recevoir les mêmes pensions d'invalidité ou de retraite que leurs ressortissants. Saisis pour la première fois par de simples citoyens, des Algériens, Mme Kheddidja Labanne et son fils Mokhtar, grâce à la réforme constitutionnelle de 2008, les « sages » contraignent le gouvernement à procéder à cette réforme au plus tard en janvier 2011, mettant ainsi fin à un litige remontant à l'indépendance des colonies. Le Conseil constitutionnel ne conteste pas que les pensions puissent être affectées de coefficients différents en fonction des disparités de pouvoir d'achat et de coût de la vie dans les pays concernés. En revanche, il estime que dans un même pays de résidence, il ne doit pas y avoir de différence de traitement entre un ressortissant français et un ressortissant étranger présentant les mêmes droits. En effet, souligne-t-il, un Français résident en Algérie est par exemple privilégié par rapport aux Algériens. La décision du Conseil entrera en vigueur le 1er janvier 2011 et le gouvernement devra donc d'ici là réformer le système. Le Conseil constitutionnel s'appuie dans sa décision sur la déclaration des droits de l'homme de 1789 qui stipule : « la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. » Actuellement, les anciens combattants africains peuvent toucher dix à quinze fois moins que les Français. Des dizaines de milliers de personnes sont concernées. Le dossier est compliqué, puisque le gouvernement a le choix entre instaurer une égalité totale, ou un traitement différencié par pays de résidence et non plus par nationalité. Algériens, mauvais indigènes « La décision que nous avons prise met fin à une injustice manifeste entre les ressortissants français et étrangers titulaires d'une pension civile ou militaire de retraite et résidant dans le même pays. Ils devront toucher le même montant. Nous demandons au gouvernement et au Parlement de prendre, avant le 1er janvier 2011, une mesure législative afin de fixer le montant de ces pensions. En tout état de cause, cette nouvelle loi devra respecter le principe d'égalité, mais ce n'est pas à nous de fixer ce montant », précise le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré. Les ressortissants des anciennes colonies françaises ont été intégrés en nombre dans les troupes qui avaient combattu pour la France durant les deux guerres mondiales mais aussi dans les corps expéditionnaires envoyés dans certains conflits coloniaux, comme celui d'Indochine, de 1945 à 1954. Leurs pensions avaient été gelées en 1958 et 1959 et elles étaient souvent symboliques dans les années 2000. En 1981, sous François Mitterrand, le système avait été rendu moins injuste avec une première augmentation. Puis, sur initiative du gouvernement de gauche de Lionel Jospin et celui de droite de Jean-Pierre Raffarin, une deuxième réforme avait augmenté les pensions des étrangers, maintenant cependant une inégalité avec celles des Français. Une troisième réforme avait été menée sous la présidence de Jacques Chirac en 2006, mais elle maintenait toujours une inégalité entre Algériens, ressortissants d'autres anciennes colonies et Français, souligne le conseil. Ce dossier est revenu à la surface en raison de la sortie en France en 2006 du film Indigènes, où est abordé le rôle des soldats maghrébins engagés dans l'armée française durant la Seconde Guerre mondiale, qui avait été occulté jusque-là. L'impact financier de la décision que devra prendre le gouvernement français est incertain, dans la mesure où la population concernée n'est pas connue avec précision et parce qu'on ignore si sera instaurée une égalité totale ou relative.