Béjaïa a vécu hier un 31e mardi de contestation contre le pouvoir pas comme les autres. Car il a coïncidé avec un appel à la grève et à une marche de quelques syndicats autonomes, de partis politiques et du mouvement associatif. Cette action, initiée par les animateurs de la convention de Béjaïa, a enregistré un franc succès pour avoir mobilisé des centaines de travailleuses et travailleurs issus du secteur de la Fonction publique, pour exiger la libération des détenus du mouvement, la levée des restrictions sur les libertés démocratiques et le rejet de l'élection présidentielle du 12 décembre. L'appui de la société civile – qui est sortie en nombre au mot d'ordre de grève et à la marche décidée par des partis de l'Alternative démocratique, le PT et le PST, la LADDH et des syndicats autonomes, à savoir, la section locale du Conseil des lycées d'Algérie, le Satef et le Snapap ainsi que d'autres comités et organisations associatives – a fait dire à certains marcheurs que Béjaïa vit «un vendredi bis». La marche a été imposante également par l'apport des travailleurs qui sont entrés en grève en ce 31e mardi de contestation contre le pouvoir. Cette action a touché plusieurs administrations publiques, les services communaux et les établissements scolaires. Le mot d'ordre de grève a été suivi surtout à travers les municipalités et une dizaine de directions de wilaya où le Snapap dispose d'adhérents et dans quelques établissements scolaires contrôlés par le CLA. Dans ce secteur, il faut noter que le Cnapeste, qui a préféré faire cavalier seul, est plus dominant. A l'université de Béjaïa, le suivi a enregistré le taux record de 100% grâce à l'engagement du collectif enseignants/ATS de l'université de Béjaïa qui accompagne également chaque mardi les étudiants. Ces derniers (les étudiants) se font toujours timides en raison de la période des examens de rattrapage. Néanmoins, la convention de Béjaïa a réussi à susciter le débat en faveur de ce mode d'action qui est sur la table de plusieurs organisations professionnelles et partis politiques. Les organisateurs parlent d'un taux de suivi de 70% à l'échelle de la wilaya et de 80% dans certaines localités. Les élus et parlementaires du RCD sont sortis plus nombreux que les mardis précédents lors de cette journée de grève et de marche exceptionnelle. Les responsables nationaux et dirigeants des initiateurs ont tenu à marquer de leur présence la manifestation, à l'image de Abdelouhab Fersaoui et du vice-président de la LADDH, Saïd Salhi. Loin de toute idéologie et déférence, les marcheurs ont unifié leurs slogans pour dire «Non à l'élection présidentielle du 12 décembre». Les marcheurs, à travers cette manifestation, ont réitéré leur attachement «à une période de transition démocratique et un processus constituant». Une sorte de duplex s'est installé hier entre la région de Béchar, où Ahmed Gaïd Salah était en visite à la 3e Région militaire, et la rue de Béjaïa. Pendant que le général-major discourait en faveur de l'élection présidentielle, la rue de Béjaïa rétorquait : «Ulac el vote !» (Il n'y aura pas de vote). L'enjeu de cette grève est la remobilisation de la rue, de l'implication du monde du travail dans la lutte populaire et mettre de côté les revendications corporatistes. L'un des syndicalistes dira à ce propos que «c'est une grève politique que les participants ont engagée et non pas une grève sociale». De son côté, Hanafi Ikken, syndicaliste, a déclaré à El Watan : «Le travail de sensibilisation et de mobilisation ne doit pas s'arrêter en si bon chemin. Cette grève a le mérite de susciter le débat au sein des autres organisations, c'est un moyen pour ouvrir des passerelles de dialogue avec toutes les forces vives de la nation et les autres régions du pays doivent s'impliquer dans ce processus pour faire face aux tentatives de stigmatisation de la Kabylie.»