Pas d'élections avec vous, bande de voleurs !» C'est de cette façon que des milliers de marcheurs ont tranché sur la question des élections lors d'une 32e marche référendaire contre le système, hier, dans les rues de la capitale des Hammadites. Comme partout ailleurs dans le pays, Béjaïa tente inlassablement de peser sur le cours des événements qui s'accélèrent. La semaine écoulée, la scène politique a été marquée par l'entrée en lice de deux prétendus poids lourds – Ali Benflis et Abdelmadjid Tebboune – dans l'arène de l'élection présidentielle du 12 décembre proclamée par le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah. Les interpellations abusives se sont également poursuivies et le nombre des détenus a atteint plus de 70 manifestants anonymes et militants connus. Le nom de Tebboune a fait son apparition pour la première fois dans la rue. Désormais, l'ancien commis de l'Etat est perçu par les manifestants comme le candidat du pouvoir, voire le «larbin» des Bouteflika et de l'homme fort du moment, le général Gaïd Salah. «Tebboune, c'est Bouteflika en bonne santé !» Les marcheurs ont réitéré leur rejet des élections en scandant «Ulac l'Vote !» (Il n'aura pas d'élections», défiant aussi le pouvoir en place qui interpelle des manifestants à la pelle chaque vendredi. «Nous irons tous en prison s'il le faut, mais jamais aux urnes !», rétorquent-ils. Le départ du gouvernement des affaires courantes, à sa tête Noureddine Bedoui et le chef de l'Etat Abdelkader Bensalah est toujours d'actualité au milieu du hirak. «Ben Salah, Bedoui, terahlou !» (Vous partirez). «Pour une Algérie libre et républicaine ; le pouvoir a trahi les principes du 1er Novembre et les fondements du Congrès de la Soummam», lit-on sur une banderole portée par des manifestants qui scandent «Madaniya machi askaria !» (Pour un Etat civil, non militaire». Ils rappellent au pouvoir qui manœuvre en faveur d'une élection présidentielle que «notre peuple faiseur des miracles est conscient des enjeux du moment». Les manifestants ont revendiqué la libération des détenus. Des portraits de manifestants arrêtés ont été brandis. On citera à titre d'exemple cette banderole géante estampée des portraits des détenus Tigrine Wafi, Bibi Makhlouf et Medjani Khereddine et sur laquelle on peut lire : «Libérons l'Algérie, libérons les détenus». «Allah Akbar, Karim Tabbou !», crient d'autres manifestants levant les images de Bouregaâ, Fodil Boumala et de Karim Tabbou, lequel a été remis une deuxième fois sous mandat de dépôt 24h après sa libération. A ce propos, sur une pancarte un manifestant tente de passer un message aux magistrats, les conjurant d'«arrêter de protéger le système mafieux, de cesser de persécuter les citoyens et de respecter leur noble fonction». La rue ne veut plus se contenter des marches pour faire aboutir cette Révolution du sourire. Le mot d'ordre à la désobéissance civile est «agité» comme un ultime mode d'action si le pouvoir continue de s'entêter. Lors de ce 32e rendez-vous hebdomadaire du hirak, une partie des manifestants, essentiellement massés dans le carré d'un parti de gauche, ont scandé : «La grève générale jusqu'au départ du système !». Une autre grève est en préparation par le Cnapeste-Béjaïa qui est sur le point de mobiliser sa base pour une marche et une grève lundi prochain, selon nos informations. Les responsables de ce syndicat devaient rencontrer, hier, les représentants des autres syndicats autonomes qui ont organisé la grève de mardi dernier – à laquelle le Cnapeste n'a pas pris part – pour tenter de les convaincre de marcher sous sa bannière. Arrivé au carrefour Dawadji, au centre-ville, un groupe de manifestants s'est détaché de la foule portant une banderole évoquant l'affaire des bébés décédés dans une maternité d'El Oued, dans le sud du pays. «Béjaïa solidaire avec les familles des bébés d'El Oued», lit-on sur la banderole. Comme dans plusieurs wilayas du pays, une minute de silence a été observée à 15h à la mémoire des victimes du laisser-aller.