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Betrouni Omar. Ancien joueur du Mca, de l'Usma et de l'équipe nationale : L'homme de la dernière minute
Publié dans El Watan le 03 - 06 - 2010

« Il n'y a pas d'endroit dans le monde où l'homme est plus heureux que dans un stade de football. » Albert Camus .
Il n'affiche pas la mine harassée de celui qui a passé une longue nuit de célébration. La veille, au stade du 5 Juillet qui a vibré à ses exploits jadis, Omar a eu droit à son jubilé au milieu des siens.
Les Vert et Rouge ont fêté joyeusement un double événement, la consécration de leur club éternel et l'hommage rendu à l'un de ses dignes représentants : celui qu'on se plaît à qualifier d'homme de la dernière minute... Pourquoi ? Parce que, à maintes reprises, Betrouni a été décisif, faisant basculer le sort d'un match in extremis, redonnant espoir à des milliers de fans résignés et désemparés. Les mystères du foot, c'est ça aussi. Omar Betrouni est ainsi. Aujourd'hui, il est heureux. En se prêtant sans ciller au jeu du photographe, il continue à converser sur le foot, thème qui, apparemment, le passionne et sur lequel du reste il est intarissable.
Le règne des ingrats
Betrouni a rendu d'énormes services au foot. La contrepartie n'a pas toujours été au rendez-vous. L'ingratitude, nous dit le petit lutin qui a porté le maillot national à dix-huit ans, qui a grandement pris part aux performances du mca et donné de la joie à des milliers de supporters. Celui qui a tant fait vibrer l'enceinte olympique n'a pas de mots assez tranchants pour qualifier ceux qui se sont ingéniés à le décourager, à lui mettre les bâtons dans les roues pour que ce jubilé tombe à l'eau. Il a failli foirer. « Les décideurs, qui m'avaient donné leur accord, se sont ravisés en usant de subterfuges pour que j'aille me faire voir ailleurs. Quelle hypocrisie ! On m'a exigé 150 millions pour le stade du 5 Juillet, puis on m'a proposé une remise de 30%. J'avais fait des pieds et des mains pour réunir le maximum de joueurs de ma génération, des internationaux marocains et tunisiens, mais la date a été avancée, et le match qui était prévu en ouverture, s'est joué en baisser de rideau. Tout cela n'est pas fortuit. je suis outré, en faisant une comparaison avec d'autres manifestations organisées par ces mêmes décideurs à coups de milliards, en faisant venir des étrangers qui ont eu droit à des sommes mirobolantes et auxquels les officiels zélés font des courbettes en déroulant le tapis rouge. Quel gâchis ! »
Betrouni mérite tous les égards : « l'enceinte du 5 Juillet, qu'il a fait sortir de sa triste solitude à maintes reprises, lui est redevable », tente de justifier Zouhir Bestandji, un vieux mordu du Doyen. Figure de légende du Mouloudia, Omar n'éprouve cependant ni rancune ni rancœur, connaissant à fond le « système ». Son mariage d'amour avec le ballon rond dure depuis de longues années. Il préfère s'y retremper : « J'ai commencé au collège de Notre Dame d'Afrique à la fin des années cinquante, et comme poussin à l'asse sous la houlette de l'entraîneur Idzou qui officiait au stade de Saint Eugène, où mon oncle Kayas Mohamed faisait de l'athlétisme. Un jour, au lendemain de l'indépendance, en fouinant dans les dossiers laissés par les Français au niveau des vestiaires, on tombe sur ma licence. ‘‘Mais c'est un arabe !'', s'est exclamé le coach. C'est ainsi qu'en 1962 il y avait un match amical entre le mca et Hamam Lif à Saint Eugène. On nous avait convoqués pour jouer en ouverture. Tous mes camarades ont été alignés sauf moi. ‘‘Il est trop petit, trop frêle'', a expliqué l'entraîneur ». Djazouli, un dirigeant, a insisté : ‘‘c'est le dernier, il faut l'essayer''. « Je n'étais pas plus haut que trois pommes. Je tremblais... Je suis rentré en deuxième mi-temps. Là, ils ont découvert que j'avais du talent. On perdait 1 à 0. Hassan Tahir était arrière central. J'avais égalisé. Les supporters m'avaient réservé une exceptionnelle ovation. Depuis, les entraîneurs qui se sont succédé au mca, El Kamal, Foula, Lemoui, Khabatou me faisaient même jouer en catégorie supérieure malgré mon jeune âge. Parallèlement, j'étais au lycée El Mokrani et je me rappelle d'une flamboyante finale remportée à Oran face au lycée de Guelma. Je me souviens que le trophée nous a été remis au stade Ouaguenouni par Bouteflika. » Betrouni participe positivement au concours du jeune footballeur. Il remporte le 10e tournoi international juniors de Roubaix en 1966 avec les Allili, Taouti, Kaoua, Sellami Koffi, Mokrani, Zerouk, Chaoui, Hadefi, Ghomari...
Premier match à Témouchent
Mais le baptême du feu aura lieu à Témouchent en 1968 où Omar joue son dernier match senior avec le mca. Deux ans après, il remporte la première Coupe d'Algérie avec le mca, vainqueur au stade du 20 Août de l'usma. Lucien Leduc, alors sélectionneur national, déclarait en technicien avisé en désignant Betrouni : « Vous avez là un joyau, surtout prenez-en grand soin », aux journalistes qui critiquaient la présence d'un jeune pas très athlétique dans la cour des grands, comme Lalmas, Selmi, Atoui... Petit gabarit, Omar compense par une grande vivacité et des débordements spectaculaires qui laissent impassibles et pantois des défenseurs dépassés. A la suite de la débâcle de 1974, et la déconfiture face à la Tunisie, les décideurs se rabattent sur l'équipe militaire dirigée par Mekhloufi qui fera office de sélection nationale. « Tous les joueurs étaient militaires. Comme ils n'avaient pas d'ailier droit, ils m'ont fait appel, je ne faisais pas partie du contingent. J'étais officier de police ».
khabatou le meilleur
Cela n'empêcha pas les coachs de lui attribuer le brassard de capitaine avec comme objectif faire un bon parcours aux jm d'Alger de 1975. « Il y avait de gros calibres, la Turquie, la Yougoslavie, la Tunisie... le déclic s'est produit après la victoire contre l'Egypte sur un but de Draoui. On avait gagné le public et les autorités qui en demandaient toujours plus. On est arrivés en finale, et devinez contre qui ? Contre la France. C'était la veille du Ramadhan et le k.o était dans l'air. Il fallait à tout prix gagner. A la mi-temps, on perdait 2 à 1. Zerguini, dans les vestiaires, était en contact avec Boumediène dont le message porté à la connaissance des joueurs disait en substance ‘‘Il n'est pas question que la Marseillaise soit jouée au 5 Juillet''. On a ouvert les Jeux avec Qassaman. Ils se termineront avec l'hymne national. Bon courage. Il en fallait une bonne dose dans de pareilles circonstances. J'étais capitaine. Il nous restait 45 mn. J'ai dit à mes coéquipiers qu'il fallait y croire jusqu'au bout. Je crois qu'à deux minutes de la fin, Boumediène partait lorsqu'il entendit une énorme explosion, 80 000 supporters qui retenaient leur souffle avaient laissé libre cours à leur joie. Comment cela s'est-il passé ? J'ai débordé et centré. J'avais entendu le cadran lumineux qui avait fait un bruit en s'éteignant. J'ai vu le gardien partir dans la bonne direction mais un de ses équipiers a mis son pied en détournant la balle dans l'autre sens. Je n'y ai pas cru. C'était un flash. Mais j'ai vu les filets trembler, c'est là que j'ai réalisé. Les policiers, les agents, les journalistes sur la main courante se sont rués sur moi. Les Français avaient l'impression d'avoir reçu le ciel sur la tête. » Les prolongations deviennent une affaire algérienne. Quand la victoire est proclamée, tout Alger est en extase. La clôture des 7e Jeux méditerranéens se transforme en véritable carnaval. « Je me souviens qu'en guise de prime, nous avions reçu un carnet cnep garni de 2000 DA ! Mais plus que l'argent, la communion avec les gens dans la rue n'avait pas de prix. »
L'épopée de la coupe d'Afrique
Puis il y a eu la coupe d'Afrique des clubs de 1976 : « C'était un défi réussi avec Abdelkader Drif. Cette victoire a ouvert la voie à d'autres clubs. C'était une période formidable. Le pays était fort par ses joueurs mais aussi par ses responsables qui ont réussi à faire plier la caf, celle-ci avait pardonné à Bencheikh suspendu qui a pu jouer la finale face à Hafia Conackry. » Omar a, eu lui aussi, sa traversée du désert. Il évoque son plus mauvais souvenir sans en rajouter, lorsque les joueurs de sa génération avaient été renvoyés comme des malpropres au lendemain de la réforme sportive. « J'avais tout juste 28 ans et je pouvais encore donner. Je devais jouer à Nice où Mustapha Zitouni m'a orienté aux côtés de Bijovic et Bousdira. je voulais terminer ma carrière en apothéose, mais le ministère a refusé de me délivrer l'autorisation. Je suis resté une année sans jouer jusqu'au jour où Benfadah est venu me solliciter pour jouer à l'usma qui venait d'être reléguée en deuxième division. Après plusieurs approches, j'ai cédé. On a terminé le championnat avec 7 points d'avance et offert à l'usma sa première coupe d'Algérie après 7 finales ratées. Ça a été deux années pleines de satisfaction que je ne regrette pas », dit-il avec assurance bien que des irréductibles mouloudéens n'avaient pas digéré son passage chez le frère ennemi et mal apprécié cette escapade. Les sages du vieux club algérois se contenteront eux de cette boutade lorsqu'ils sont interpellés par les Rouge et Noir. « Avec Omar, nous vous avons envoyé la baraka.
C'est grâce à nous que vous avez effacé le signe indien. » Lundi, Betrouni avait le même sourire et le même enthousiasme après le sacre des Vert et Rouge. « J'ai souhaité cette victoire et cette consécration pour les jeunes qui se sont bien battus durant toute la saison. Mais je demeure perplexe pour l'avenir du mca. Je persiste à dire que c'est l'arbre qui cache la forêt. Il faut mettre le holà. Il faut un changement radical au niveau des dirigeants. Le club qui n'a pas d'infrastructures propres est dirigé à distance sinon par la rue. Comment voulez-vous évoluer dans un environnement aussi hostile. » quant à l'en, Omar pense qu'« on a accusé du retard pour constituer cette équipe qui a subi trop de changements et qui se retrouve avec 7 blessés. Aujourd'hui, nous n'avons pas d'équipe prête à jouer le 1er match contre la Slovénie. Je leur souhaite un bon départ, car c'est cela qui compte. Mais je dis qu'il y a des interrogations. Pourquoi ramener Guedioura et ne pas le faire jouer à son poste ? Et puisque le coach dit que le résultat importe peu contre l'Eire, pourquoi ne pas titulariser d'emblée Mbohi puisqu'on connaît la valeur de Chaouchi ? Beaucoup reste à faire en attaque marquée par sa stérilité. » Le professionnalisme pour Betrouni n'est pas une panacée. Il faut un cahier des charges qui impose des infrastructures adéquates, des centres de formation, quitte à commencer avec 4 ou 5 clubs seulement. « Il n'est pas honteux de suivre l'exemple des autres... »
Parcours :
Omar betrouni est né le 9 janvier 1949 à Alger. Formé au Mc alger, il reste plus de 10 ans dans ce club. Il termine sa carrière à l'usm alger. Il fut le héros de la finale remportée des Jeux méditerranéens en 1975 et a fait parler de lui, l'année suivante en 1976, à la finale qui a opposé le mca au Hafia de Conakry pour le compte de la Coupe d'Afrique. Betrouni compte 82 sélections avec l'équipe nationale. Il est champion d'Algérie (1972-1975-1976. 78 et 79 avec le mca, vainqueur de la coupe d'Algérie en 1971, 73 et 76 avec le mca et en 1981 avec l'usm alger, vainqueur des Jeux africains en 1978, quart de finaliste aux jo de 1980 à Moscou. Meilleur buteur du championnat d'Algérie (1973-1974), iwl a inscrit 59 buts en équipe nationale. Il considère Ismaïl Khabatou, son entraîneur, comme l'un des plus compétents sur la scène sportive algérienne.


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