Le 04 janvier 1960 disparaissait tragiquement dans un accident de voiture, Albert Camus, l'écrivain de l'absurde et de la révolte. La veille de sa mort, un 03 janvier, Albert Camus quitte sa maison de Lourmarin pour rejoindre la capitale. Alors qu'il avait décidé de prendre le train, son éditeur Michel Gallimard réussit à le convaincre de faire la route en voiture. Ce voyage est pénible pour Camus, qui a des difficultés à écrire et se demande s'il sera jamais capable de mener à terme " Le Premier Homme ". Célèbre, riche, en pleine force de l'âge (quarante sept ans), il devrait être comblé. Mais il est préoccupé par la guerre d'Algérie, dont il ne voit pas l'issue.Très marqué par la polémique qui a suivi la publication de " L'Homme révolté " et le prix Nobel de littérature, il doute, au point de vouloir abandonner l'écriture. Au cours du voyage, Albert Camus renoue avec les souvenirs de sa vie, notamment à Alger. Jusqu'au moment où, dans une ligne droite, la voiture de Gallimard quitte la route. Camus est tué sur le coup. Dans sa sacoche, on retrouve le manuscrit inachevé du " Premier Homme ", un horoscope lui prédisant de belles créations, quelques photos, et un billet de train inutilisé. Albert Camus trouve une mort absurde dans un accident de voiture à bord d'une Facel-Véga (très luxueuse et très puissante automobile de marque française, atteignant facilement les 200 km/h) conduite par son ami Michel Gallimard, le neveu de l'éditeur Gaston. La voiture quitte la route et percute deux des arbres parmi la rangée qui la borde. Les journaux de l'époque évoquent une vitesse excessive (180 km/h), un malaise du conducteur, ou plus vraisemblablement, l'éclatement d'un pneu, mais René Etiemble - autophobe comme beaucoup d'intellectuels - affirme : " J'ai longtemps enquêté et j'avais les preuves que cette Facel-Véga était un cercueil. J'ai cherché en vain un journal qui veuille publier mon article… " Albert Camus est enterré à Lourmarin, village du Luberon, - où il avait acheté une propriété grâce à son prix Nobel - et région que lui avait fait découvrir son ami le poète René Char. Polémique Considéré par les existentialistes comme un apprenti philosophe, par d'autres comme " un écrivain à dictée", Simone de Beauvoir ainsi que son compagnon Jean Paul Sartre ont toujours reproché à Camus son côté frileux, moraliste et surtout " son complexe " d'appartenir, d'être issu d'une catégorie sociale populeuse et illettré (sa mère illettrée faisait des ménages à Belcourt). Pourtant l'auteur de "L'étranger" a longtemps fréquenté le Saint Germain des Prés, le quartier parisien où s'incarnait l'existentialisme qui n'était pas seulement une philosophie mais une manière de vivre. Il avait offert à Sartre des pages dans le journal qu'il commandait, " Combat " et l'a même envoyé aux USA pour un reportage. De cela, Beauvoir disait dans " La force de choses " : " Je n'ai jamais vu Sartre aussi heureux ". C'était après la guerre que les relations entre les deux hommes s'étaient détériorées au point de devenir publiquement exécrables. Camus rompait avec les communistes et dénonçait les camps staliniens, Sartre les ménageait autant que Beauvoir. Mais la guerre d'Algérie sera fatale pour les deux hommes. De nouveau Sartre, partisan de l'indépendance, reprochera à Camus ses vues mitigées puisqu'il voulait croire à un compromis.Le fil est rompu. A un musulman qui lui posait une question sur la justice, Albert Camus a répondu que s'il avait à choisir entre la justice et sa mère, il choisirait sa mère. Cette réaction avait plutôt choqué d'autant qu'Albert Camus selon les écrits de Simone de Beauvoir n'était pas très clair sur son engagement pour la liberté totale et indéfectible du peuple algérien. Contrairement à ce qui se dit pour son roman "La peste ", l'auteur n'y a pas développé à partir d'Oran sa métaphore du débarquement français en Algérie, mais c'était plutôt et selon les critiques de l'époque, le débarquement allemand dans le Paris des années de guerre.Dans ce roman, il comparait l'occupation à une maladie et ça rappelle vaguement " Rhinocéros " d'Eugène Ionesco. En marge des courants philosophiques, il s'est opposé au christianisme, au marxisme et à l'existentialisme. Il n'a cessé de lutter contre toutes les idéologies et les abstractions qui détournent de l'humain. En ce sens, il incarne une des plus hautes consciences morales du XXe siècle - l'humanisme de ses écrits ayant été forgé dans l'expérience des pires moments de l'espèce humaine. Récemment, le Président français Nicolas Sarkozy a émis le souhait de voir transférer la dépouille de l'écrivain du cimetière de Lourmarin, en Provence, au Panthéon où reposent déjà Victor Hugo, Jean-Jacques Rousseau ou Emile Zola. Tout le monde a vu derrière ce souhait une récupération, un message pour l'Algérie dont les relations avec la France vont au plus mal. Rebouh H.