La stratégie de sortie de crise mise en route par le pouvoir ne convainc pas la communauté universitaire de Tizi Ouzou. Comme chaque mardi, depuis 7 mois, les étudiants ont manifesté, hier, au chef-lieu de wilaya pour exprimer de nouveau le rejet des tentatives de «recyclage» du système politique à l'origine de l'impasse que vit le pays et l'élection présidentielle, dont la date a été fixée au 12 décembre prochain. Un scrutin inopportun dans l'imbroglio actuel, qui n'est, selon eux, que le prolongement des 20 ans de règne autoritaire du Président évincé début avril 2019. «Pas de 5e mandat a décrété le peuple», «Non aux élections sans la mise en place d'institutions de transition», «L'Etat sera civil et non militaire», étaient parmi les principaux mots d'ordre scandés par quelques centaines d'étudiants venus des campus de Hasnaoua, Boukhalfa, Tamda et Oued Aïssi, renforcés par des militants de la société civile et des acteurs politiques et des droits de l'homme. Les manifestants, partis peu avant 11h de devant le portail de l'université Mouloud Mammeri pour sillonner les principales artères de la ville des Genêts, ont également réclamé la libération des détenus d'opinion, dont ils arboraient des portraits, ainsi que l'arrêt des poursuites judiciaires à l'encontre des leaders et des sympathisants du hirak, arrêtés lors des marches précédentes à Alger. Les contestataires, qui ont déployé les emblèmes national et amazigh, reprenaient en chœur les chants du mouvement du 22 Février et des envolées lyriques du visionnaire Matoub Lounès, dont les textes demeurent d'une brûlante actualité. Outre le changement radical de tout le système et la révocation de ceux qui le symbolisent, parmi lesquels figurent des candidats au prochain rendez-vous électoral, très proches de l'ancien président de la République, Abdelaziz Bouteflika, les marcheurs ont lancé des slogans en faveur d'une nouvelle République «nettoyée» des résidus du régime chaotique du FLN. «Ni Benflis ni Tebboune, le peuple est le seul Président», «Souveraineté populaire, période transitoire», «20 ans de Bouteflika barakat», «Ulach el vot ulach», «Dawla madania machi askaria», étaient parmi les slogans transcrits en trois langues (tamazight, arabe et français) sur des banderoles et des pancartes. Le cortège, qui progressait au milieu de la circulation automobile, a marqué une halte silencieuse devant le CHU Nedir Mohamed, puis au carrefour du centre-ville, mitoyen de la sûreté urbaine, où les marcheurs ont remis au goût du jour les slogans revendicatifs et antipouvoir du Printemps noir de Kabylie d'avril 2001. Ils ont clamé haut et fort leurs aspirations en entonnant des chants en faveur de l'instauration d'un Etat civil et le rejet de l'élection présidentielle préconisée par le chef-d'état major de l'armée, malgré ses assurances quant à la neutralité de l'ANP lors de ces joutes électorales. A travers ce 32e acte de mobilisation, les participants à cette marche ont tenu à exprimer à nouveau leurs appréhensions quant à la régénérescence du système via le futur président de la République qui sera «choisi» par le pouvoir.